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TAKANOBU FUJIWARA (1143-1206)

Un artiste aristocratique

Poète de talent, demi-frère par sa mère de Sadaie (Teika), poète et critique célèbre, Takanobu avait peut-être hérité de sa mère ses dons de peintre. Celle-ci, après avoir été dame d'honneur d'une impératrice, se retira dans un monastère et, pour rendre hommage à la mémoire de Murasaki Shikibu, copia le sūtra de Lotus (Hokke kyō), ornant chacun des rouleaux d'une peinture qui illustre un épisode du Genji. Certes, le nouveau souci de rendre l'expression humaine peut s'expliquer par la simple curiosité d'une aristocratie désœuvrée pour les gens du commun, curiosité attestée par la venue à la cour de danseurs rustiques et par la représentation du peuple de la capitale dans le Nenjū gyōji e-maki de Tokiwa Mitsunaga. Mais on pourrait également tenir compte d'une recherche psychologique plus profonde, qui prit naissance avec les critiques poétiques de Fujiwara Toshinari et de son fils Teika, demi-frère de Takanobu.

Cet intérêt nouveau pourrait être à l'origine du portrait, qui fait alors son apparition et qui se perpétuera jusqu'à la sixième génération dans la lignée de Takanobu.

Une tradition remontant au xive siècle attribue à l'artiste trois portraits peints sur soie du Jingō-ji de Kyōto. Ces peintures monumentales seraient les portraits posthumes de Taira no Shigemori (1138-1179), Minamoto Yoritomo (1147-1199), fondateur du bakufu de Kamakura, et de Fujiwara Mitsuyoshi (1132-1183), exécutés pour entourer les effigies de Go-Shirakawa et d'un de ses familiers dans le Sentō-in, que l'empereur avait fait ériger dans l'enceinte du Jingō-ji en 1189, peu de temps avant sa mort (1192). Ces représentations de très hauts personnages sont, pour cette date, exceptionnelles et certains les estiment d'une époque plus tardive. La composition triangulaire due au costume de cour empesé et à la haute coiffure évoque, en effet, certaines sculptures du xive siècle, tel le portrait d'Uesugi Shigefusa. Les visages sont finement cernés et les regards d'une acuité surprenante. Ces portraits auraient-ils été peints d'après des croquis effectués par Takanobu ?

L'existence de tels croquis est attestée par l'esquisse représentant le ministre Okanoya Kanetsuge (1200-1259), en vêtement de moine, exécutée après 1257 et dans laquelle le visage, dessiné par une multiplication de petits traits, a été collé sur un papier où fut ensuite dessiné le corps (Kōzan-ji, Kyōto). Ce procédé est encore utilisé par les peintres traditionnels japonais, qui devant leur modèle multiplient les croquis jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à trouver l'expression qui puisse les satisfaire. Le plus achevé de ces essais est ensuite décalqué ou collé sur la composition finale.

Selon le professeur Akiyama Terukazu, cette accumulation de petits traits pour la construction des visages pourrait déjà être observée dans certains personnages de rang inférieur du Genji monogatari e-kotoba, remontant aux années 1120-1130.

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Écrit par

  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

Classification

Autres références

  • MITSUNAGA TOKIWA (fin XIIe s.)

    • Écrit par
    • 1 145 mots
    ...Mitsunaga. En 1173, il fut désigné pour décorer les portes à glissière du Saishōko-in, monastère édifié par Go-Shirakawa pour son épouse Kenshun-mon-in. Il y avait représenté les visites de l'impératrice aux sanctuaires de Hie et de Hirano et celle de l'empereur au Koyasan, en collaboration avec Fujiwara...