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TAKANOBU FUJIWARA (1143-1206)

Le nise-e

À la fin du xiie siècle, cette technique est appelée nise-e, « portrait à la ressemblance ». Cette expression apparaît pour la première fois dans un texte concernant Fujiwara Nobuzane (1176-1268), fils de Takanobu.

En 1221, l'empereur Go-Toba, contraint à s'exiler après avoir participé à des intrigues politiques, demanda, avant son départ, que l'on fît venir Nobuzane pour qu'il fasse son portrait à la ressemblance, afin de le laisser en souvenir à sa mère. Celle-ci l'aurait ensuite offert au Minase-jingu (près d'Ōsaka) où il est conservé. Le malheureux empereur y est représenté en costume familier, coiffé de l'e-boshi, le haut bonnet de cour traditionnel.

On attribue aussi à Nobuzane le Zuijin teiki e-maki, rouleau représentant la garde impériale à cheval, ainsi que la réunion de poètes au palais impérial (Chūden go-e zū), dont une copie de l'époque Muromachi a subsisté. Dans ces croquis à l'encre, non seulement les visages mais les attitudes et même les animaux trahissent une recherche d'individualisation.

Un thème qui devait connaître une grande fortune à travers les siècles serait également dû à Nobuzane ou à son école, c'est celui des Trente-six Poètes (Sanjūrokkasen). Au xe siècle, trente-six poètes parmi les plus fameux avaient été désignés ; au début du xiie siècle, une anthologie de leurs œuvres avait été copiée par les meilleurs calligraphes de la cour sur des cahiers magnifiquement décorés à l'intention d'un empereur (Sanjūrokunin shū, au Nishi-Hongan-ji de Kyōto).

La transformation de ce thème par la représentation sur un rouleau de chacun des poètes assis, accompagné de la calligraphie d'un de ses poèmes les plus représentatifs, est significative du changement d'attitude de la cour à l'égard du portrait. Certes il s'agit de portraits imaginaires, mais on remarque dans ces exercices de style la volonté de rendre, par l'expression et par l'attitude, la vie intérieure de l'artiste telle qu'elle ressortait de l'analyse critique très fine de Teika. Le Sadake-hon (exemplaire de la collection Sadake) et le Agedatami-hon (dans lequel les poètes sont assis sur des tatami) sont les plus anciens exemples du genre.

Si les noms de la lignée de Takanobu ont été conservés, les œuvres qui subsistent, anonymes le plus souvent, ne permettent pas de caractériser chacun d'entre eux.

Cependant, le portrait de Shinran (1173-1262), le fondateur de la secte amidiste Shin, fut exécuté de son vivant par son disciple Sen-ami, l'un des fils de Nobuzane. Dans ce fameux Kagami no miei (portrait comme dans un miroir), le visage en lignes fines de Shinran se détache au-dessus de la robe de moine notée par quelques traits vigoureux. Cette esquisse a servi de modèle à de nombreux portraits plus achevés.

En 1338, Gōshin, arrière-petit-fils de Nobuzane, traça l'image de l'empereur Hanazono, en vêtement de moine, et y exprima l'affection qu'il portait à son souverain dont il était le confident (Chōfuku-ji, Kyōto). Cette œuvre émouvante et sensible pourrait marquer la fin du nise-e.

En fait, en dépit de l'influence des portraits de moines zen à la mode chinoise, très répandus dès l'époque Muromachi, le portrait à la ressemblance subsista dans les effigies officielles de Sesshū Tōyō lui-même (portrait de Masuda Kanetaka, 1474) et des peintres de l'école Kanō.

— Madeleine PAUL-DAVID

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Écrit par

  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

Classification

Autres références

  • MITSUNAGA TOKIWA (fin XIIe s.)

    • Écrit par
    • 1 145 mots
    ...Mitsunaga. En 1173, il fut désigné pour décorer les portes à glissière du Saishōko-in, monastère édifié par Go-Shirakawa pour son épouse Kenshun-mon-in. Il y avait représenté les visites de l'impératrice aux sanctuaires de Hie et de Hirano et celle de l'empereur au Koyasan, en collaboration avec Fujiwara...