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TALLIEN JEAN LAMBERT dit (1767-1820)

Fils d'un maître d'hôtel du comte de Bercy, clerc de notaire puis de procureur, Tallien fait ses premières armes de militant révolutionnaire en fondant (1790) la Société fraternelle du faubourg Saint-Antoine, puis (1791) un journal maratiquement intitulé L'Ami du citoyen. Député à la Convention, il siège à la Montagne, vote avec les régicides, est élu au Comité de sûreté générale ; le 23 août 1793, il est envoyé en mission à Bordeaux : c'est alors qu'il se découvre lui-même. Il multiplie les exécutions dans son proconsulat, mais surtout les exactions et voit dans la Terreur bien pratiquée un excellent moyen de s'enrichir aux dépens des suspects. Dès novembre, il est dénoncé à la Convention pour sa liaison avec Thérésa, fille du banquier espagnol Cabarrus et femme divorcée du marquis de Fontenay : Tallien a fait sortir de prison cette belle suspecte qui le réduit maintenant en esclavage amoureux et lui inspire sa politique. Il est rappelé par les Comités en mars 1794 et Thérésa est de nouveau incarcérée en fin avril. Pour la sauver et se sauver lui-même des attaques des robespierristes, Tallien trouve le courage du désespoir et devient l'un des principaux instigateurs puis protagonistes du 9-Thermidor. Thérésa Cabarrus, qu'il épouse peu après, bientôt surnommée « Notre-Dame de Thermidor », fait presque figure de première dame du nouveau régime ; Tallien lui-même pousse à la réaction contre les Jacobins, à l'arrestation et à la déportation des derniers leaders de la Montagne. En avril 1795, il entre au Comité de salut public, et s'y montre soucieux de limiter une contre-révolution qui le rendrait au néant en se développant : dans sa mission auprès de Hoche lors de l'affaire de Quiberon, au 13-Vendémiaire, dans les dernières semaines de la Convention, est-ce pour la défense de la République ou pour la sauvegarde de sa propre carrière qu'il se montre si énergique ? Pourtant, discrédité auprès de tous les partis, Tallien ne jouera plus aucun rôle politique important sous le Directoire ; la seule carte qui lui reste, c'est l'intime complicité qui a lié Thérésa et Joséphine de Beauharnais ; il y a trop de secrets entre elles pour que Bonaparte puisse foudroyer Tallien ou le laisser périr ; il l'emmène donc en Égypte pour de subalternes besognes administratives ; après plus d'un déboire, Tallien rentre à Paris, ruiné, en 1801. L'année suivante, sa femme demande et obtient le divorce — la toujours belle Thérésa sera un temps comtesse de Caraman et mourra princesse de Chimay en 1835. Napoléon a encore pitié de Tallien et le nomme consul à Alicante ; la maladie l'oblige à quitter son poste. Réduit à la misère noire, devenu borgne, multipliant les plus plates palinodies à chaque changement de régime pour obtenir quelque aumône, rongé par la lèpre, il n'est plus qu'un déchet méprisé de tous quand il meurt. On se sent presque honteux en racontant cette fin à laquelle rien ne manque pour se présenter comme l'épilogue le plus moralisateur et le plus édifiant d'une vie parfois brillante, mais à la vérité peu vertueuse.

— Jean MASSIN

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