TALMUD
Halakha et Haggada
Les rabbins tirent de l'Écriture des règles qui, régissant toute l'existence du juif, visent à le faire vivre, ici et maintenant, dès ce monde-ci, dans le « royaume des cieux ». Ils proclament avec force que les paroles des scribes sont plus chères que les paroles de la Tora elle-même, voulant signifier par là que c'est l'interprétation vivante qui vivifie la lettre. On sait mieux aujourd'hui que, pour les besoins d'une propagande, pharisiens et rabbins ont été atrocement calomniés. Pendant des siècles et jusqu'à l'époque actuelle encore, on a stigmatisé dans certains milieux leur « formalisme », leur « juridisme », leur « légalisme », et nul n'ignore le sens que le mot « pharisien » a pris dans les langues occidentales. Mais l'intention profonde des rabbins a été de prendre totalement au sérieux la parole du Dieu vivant, laquelle ne peut être, suivant leur expression, « comparable au creux bavardage » d'êtres humains, et de considérer que rien dans l'Écriture, non plus que dans le comportement humain, n'est insignifiant. La notion de « détail futile » leur était totalement étrangère. Vivre intensément la Tora, seul lien entre Israël et son Dieu, manifestation de son amour, cause finale de la création du monde qui, sans elle, n'aurait aucun sens, était leur plus profonde préoccupation. Ils aspiraient à sanctifier la vie de l'homme, depuis son lever jusqu'à son coucher, voire durant son sommeil (n'ont-ils pas tenté d'orienter jusqu'à ses rêves ?), et de sa naissance jusqu'à sa mort ; ils cherchaient également à tirer de la prédication prophétique des lois destinées à créer la société la plus juste possible.
La règle, aussi bien celle que les rabbins ont édictée que celle que la tradition leur a transmise, s'appelle halakha (littéralement, « voie dans laquelle on doit marcher », du verbe halokh, « marcher »). Une fois définie, elle est souverainement contraignante pour tout enfant d'Israël majeur et sain d'esprit, sauf en cas de péril mortel. Cette dernière excuse ne compte que trois exceptions ; il vaut mieux se faire tuer que d'enfreindre les trois interdictions suivantes : l'idolâtrie, l'homicide et la dépravation sexuelle.
Mais les docteurs de la Loi ne se sont pas bornés à légiférer en matière civile, pénale et religieuse. Prédicateurs, ils se sont appliqués à former le caractère et à soutenir le moral de leur peuple accablé par les épreuves et les persécutions. Ils lui rappellent continuellement l'indéfectibilité de l'Alliance et l'amour ardent qui unit Dieu à Israël ; il leur arrive de pousser l'audace jusqu'à stigmatiser les anciens prophètes pour avoir mal parlé de leur peuple ; ils tentent de donner un sens à la souffrance humaine et, en accusant très fortement des traits qu'on rencontre déjà épars dans la Bible, ils tracent le portrait poignant d'un Dieu désarmé devant les effets nocifs de la liberté absolue qu'il a octroyée à l'homme et souffrant avec les malheureux, les opprimés et même les scélérats que la justice humaine a châtiés. L'homme a été créé à l'image de Dieu, enseigne l'Écriture ; les rabbins en concluent qu'ils sont « jumeaux », et ce thème est largement exploité dans le sens du plus large universalisme, pour qui tous les humains : hommes, femmes, Israélites et Gentils, sont égaux aux yeux de Dieu. L'on ne s'étonnera cependant pas que, dans une œuvre qui couvre plusieurs siècles et dans laquelle sont rapportées les vues de plusieurs centaines de docteurs, l'on ne trouve pas que des perles d'un bel orient. Elles voisinent parfois avec l'expression de préjugés et avec des exemples d'étroitesse d'esprit, avec des anecdotes biscornues et des interprétations saugrenues, des recettes magiques et des croyances astrologiques,[...]
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Écrit par
- Charles TOUATI : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
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