TALMUD
Le Talmud
La Mishna de Rabbi Juda Ier fut adoptée comme autorité suprême dans les académies de Palestine et de Babylonie et devint l'objet principal de l'étude et de l'enseignement des rabbins qui portent maintenant le titre d' amora (pluriel amora‘im, qui signifie celui qui expose, celui qui interprète). Ces docteurs se donnent pour tâche, du iiie au ve siècle, d'élucider les textes de Mishna, d'en rechercher et les sources et la paternité, de concilier les contradictions, de confronter Mishna et Barayta, enfin de tirer des principes généraux permettant de résoudre des problèmes nouveaux. Mais les discussions des amora‘im ne portent pas seulement sur les matériaux d'origine tannaïtique. Les décisions prises par des amora‘im eux-mêmes, leurs opinions personnelles, leur comportement font aussi l'objet de commentaires de la part des générations postérieures. Les discussions des docteurs, extrêmement subtiles et labyrinthiques, sont reproduites dans un style très elliptique et leurs articulations sont marquées dans une terminologie fixe mais dont l'apprentissage est ardu, ce qui fait la difficulté proverbiale du Talmud. Ces discussions ne répondent pas tant au souci pragmatique de déterminer aussi précisément que possible la règle à suivre qu'à celui d'atteindre à la cohérence absolue, idéal toujours poursuivi mais évidemment jamais atteint que s'assigneront cependant tous les commentateurs ultérieurs. Cela explique que le Talmud reste toujours inachevé.
Le Talmud de Jérusalem
La compilation improprement appelée « Talmud de Jérusalem » (le mot talmud signifiant « enseignement » et « étude ») a porté autrefois les titres plus exacts de « Talmud des habitants d'Israël », ou « Talmud des Occidentaux » (par opposition aux Babyloniens). Elle est rédigée en hébreu et dans le dialecte judéo-araméen de Palestine. Elle ne comporte aucune indication sur les étapes de sa formation. Mais certains faits sont bien établis.
Vers le milieu du ive siècle, la plus ancienne partie de ce Talmud, qui ne portait que sur les trois premiers traités de la section « Neziqin » (« Dommages »), fut rédigée à Césarée. Elle était probablement destinée à des maîtres – ou, pour être encore plus précis, à des rabbins-juges – plutôt qu'à des étudiants. Peu après, une série de calamités s'abattit sur les Juifs de la Terre sainte. En 351, par mesure de représailles, le général romain Ursicinus mit à sac les villes de Tibériade, de Sepphoris et de Lydda, sièges des plus fameuses académies, et des rabbins palestiniens émigrèrent en Babylonie. Vers la même époque, la religion chrétienne reconnue par l'Empire romain engage une lutte ouverte contre le judaïsme et les Juifs. Enfin en 415, un décret des empereurs Honorius et Théodose II prive de son titre et des honneurs attachés à son rang le patriarche Gamliel VI. C'est le déclin pour le judaïsme de Palestine, pour ses maîtres et ses écoles. Vers la fin du ive siècle, à une date qu'on ne peut préciser, le Talmud de Jérusalem est hâtivement compilé à Tibériade, et l'œuvre se ressent de la rapidité avec laquelle elle a été accomplie. Les traditions de chaque académie sont comme amalgamées et les disparates ne sont pas accordées ; trop nombreux doublets, mauvais enchaînements des idées, contradictions déparent le Talmud de Jérusalem, qui, de plus, est parvenu jusqu'à l'époque actuelle dans un déplorable état textuel, amputé d'ailleurs de portions disparues assez tôt. À cela s'ajoute le fait que son étude a été assez négligée pour des raisons qu'on verra plus loin. Il n'en existe aujourd'hui qu'un manuscrit complet, à l'université de Leyde, datant de 1289, et reproduit en fac-similés ; il est d'usage de le citer d'après la foliotation de l'impression de Krotoschin [Krotoszyn], en Posnanie (1866).[...]
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Écrit par
- Charles TOUATI : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
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