MOURAUD TANIA (1942- )
Tania Mouraud naît le 2 janvier 1942 à Paris. Son père, résistant, meurt pour la France en 1945. Sa mère, également résistante, l’emmène chaque semaine au musée du Louvre, nourrissant son désir de devenir artiste. Après avoir effectué une partie de sa scolarité en Angleterre, Tania Mouraud, installée en Allemagne, échoue au concours d’entrée de l’école des Beaux-Arts de Düsseldorf. Toutefois, elle découvre une scène artistique en pleine effervescence. Elle assiste à certaines performances de Joseph Beuys, fait la connaissance du groupe Zero (Heinz Mack, Otto Piene, Günther Uecker) et de membres de Fluxus. Là naît probablement son intérêt pour la performance, la perception et le sabotage de l’autorité de l’artiste. Jusqu’à la fin des années 1960, elle peint, marquée par l’abstraction lyrique et l’abstraction américaine, et expose déjà des deux côtés du Rhin. Mais, en 1969, à l’occasion d’une performance dans la cour de l’hôpital de Villejuif (Autodafé), elle brûle l’ensemble de sa production. Sensible à la méditation, elle crée alors ses « Initiations Rooms » et « Initiation Spaces », des projets d’espaces épurés, très éclairés et polysensoriels, certains prévus pour être implantés dans l’environnement, à l’exemple d’InitiationSpace n° 3 (1970) : « Un carré de 1,50 × 1,50 mètre réalisé en béton dans la montagne – béton versus roches. La trace d’une civilisation. C’est presque un espace mental : l’intervention est minimale afin d’accroître l’expérience de la beauté du paysage. Il est conçu pour être utilisé assis et essayer de se dissoudre dans l’immensité de l’espace environnant. » Certains de ces espaces sont réalisés en collaboration avec des musiciens, tels que Terry Riley ou La Monte Young (1971).
Au début des années 1970, Tania Mouraud s’intéresse à la photographie (People Call Me Tania Mouraud, 1973) et imagine ses premières œuvres conceptuelles et murales (Is Wall as SuchEverSeen ?, 1973, Frac Grand Large – Hauts-de-France). Elle invite le spectateur à s’interroger sur sa perception du monde, sur ce qu’il choisit de voir ou d’ignorer. En 1977, c’est l’espace public qu’elle investit avec City Performance n° 1, une affiche de quatre mètres sur trois placardée dans les rues de Paris, proclamant le mot « ni » imprimé en lettres capitales. Une manière pour l’artiste de formuler une critique de la consommation de masse en piratant son médium favori, la publicité. On retrouvera ce même engagement dans l’espace public avec l’importante série des « Wallpaintings », commencée en 1989, qui se déploie à l’extérieur ou à l’intérieur de bâtiments, et dans laquelle elle reprend des phrases fortes de l’imaginaire contemporain – I Have a Dream (empruntée à Martin Luther King), WomanisBeautiful (litanie mièvre de l’émancipation féminine) ou Wysiwyg (acronyme de « Whatyouseeiswhatyouget » désignant en informatique une interface permettant de voir ce qui sera imprimé). Mouraud utilise le nombre d’or, comme « outil de contrôle esthétique » (interview pour le Centre Georges-Pompidou), pour peindre les lettres en noir sur fond blanc, étirées au point d’être illisible au premier coup d’œil. Elle joue là avec la tension entre l’œuvre et l’architecture, entre le fond et la forme, mais aussi avec la plasticité du langage. Cet aspect est également présent dans « Black Power », « Black Continent » (Black Continent "Point", 1991, Frac Corse) ou « Faire art » (1991, Frac Alsace), séries de variations typographiques entamées à la fin des années 1980, à mi-chemin entre l’installation, la peinture, la sculpture et l’objet décoratif. Elle reprend le principe du relief pictural avec une nouvelle série, « De la Décoration à la décoration » (1994-1998), inspirée des[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
Classification