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TAORMINE (Y. Ravey) Fiche de lecture

Yves Ravey est un romancier et dramaturge dont l’essentiel de l’œuvre, depuis Bureau des illettrés (1992), a paru aux Éditions de Minuit.

S’il fallait rechercher un tournant décisif dans cet ensemble constitué d’une quinzaine de romans, il daterait du Drap, en 2003. L’esthétique de Ravey est alors fixée. Le narrateur relate la maladie brutale puis la mort de monsieur Carossa, son père, atteint par une maladie professionnelle. Récit factuel, texte dépouillé de tout adjectif et de tout jugement, ellipse quand l’émotion pourrait déborder, Le Drap est un roman bouleversant par sa sobriété même et qui, à certains égards, rappelle Le Malheur indifférent de Peter Handke, ou La Place d’Annie Ernaux.

Faux-semblants

Yves Ravey a donc désormais trouvé la forme qui sera celle de tous ses romans, de Pris au piège (2005) à Taormine(2022). À chaque fois, les premières lignes du texte mettent en place une intrigue dont on apprend tout par un narrateur souvent embarqué dans une affaire d’argent a priori vouée à l’échec. Si la fin peut rester ouverte, comme dans Adultère (2021), on sent que le héros est pris dans l’engrenage : le pire reste à venir.

Ce narrateur, dont nous partageons le point de vue le temps de la lecture, est un homme peu fiable, rarement honnête, en tout cas un être faible ou fragilisé. Outre le manque d’argent, il souffre d’une infériorité sociale. Il est soumis ou dominé par celle qu’il aime, ou par la famille de sa compagne. Même s’ils ne traitent jamais de politique et si l’auteur se garde de tout « engagement », les romans d’Yves Ravey traduisent sans détour une réalité sociale, mettent en relief une oppression, et l’impuissance d’un homme à s’en défaire. Cela avec un humour constant, que l’auteur, grand lecteur de Samuel Beckett, imprime à ses dialogues comme aux situations dans lesquelles ses personnages se débattent. Les nombreux jeux sur le discours direct ou indirect créent cet effet d’ironie qui atténue le tragique possible.

Pour reprendre les mots de Beckett, Taormine amplifie le « cap au pire » qui caractérise l’œuvre d’Yves Ravey.

Melvil Hammett et Luisa, son épouse, ont décidé de passer une semaine à Taormine pour se réconcilier. Leur couple est en crise, la Sicile devrait leur permettre de se retrouver. Le soir, à peine arrivés sur place, ils prennent la voiture que Melvil a louée. Luisa veut se baigner. Une sortie d’autoroute, un chemin de terre, le bain de Luisa… En sortant de cette voie sans issue, un choc. L’aile du véhicule est abîmée, quelque chose l’a heurtée. Au lieu de se rendre à Taormine et de déclarer l’accident qui serait couvert par l’assurance, Melvil fait un détour pendant la nuit dans un village perdu, avant de décider de payer la réparation dans un garage de la station balnéaire. À partir de là, tout se dérègle et va de mal en pis. On aura compris que ce n’est pas un objet ou un animal que la voiture a heurté.

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