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TAPIS MODERNES ET CONTEMPORAINS

Au xixe siècle, l'histoire du tapis fut radicalement bouleversée par l'introduction des procédés industriels de fabrication. L'Angleterre, bientôt suivie par les autres pays européens, mit au point la mécanisation du tissage qui permettait la reproduction à moindre coût des tapis de tous styles. Désormais la copie de tapis anciens ou de tapis d'Orient devient extrêmement courante. Dans les expositions, des produits de l'industrie voisinent les qualités les plus diverses, depuis les pièces luxueuses destinées aux palais nationaux et à la grande bourgeoisie, jusqu'aux tapis ras au décor simplifié accessibles à la classe moyenne, et aux simples tapis de foyer, copies mécaniques de tapis d'Orient.

L'Exposition universelle de Londres en 1851 a fait prendre conscience des dangers que présentait la mécanisation pour les industries d'art : le rapport du comte de Laborde attira l'attention des pouvoirs publics sur le phénomène de la production de masse et la nécessité d'un enseignement artistique adapté aux arts appliqués.

Le style des tapis européens reflète fidèlement les goûts du temps : de l'éclectisme de la seconde moitié du xixe siècle à la réflexion idéaliste des Arts and Crafts, de la période de crise et de recherches en 1900 à l'explosion créatrice de l'entre-deux-guerres.

Le xxe siècle a quant à lui vu naître le tapis d'artiste (peintre, architecte, designer), signé, numéroté. Le savoir-faire des grandes manufactures reste inégalé, mais les coûts de production réservent désormais les savonneries, et même les tapis ras, à la commande publique. Depuis le début des années 1970, le tapis « tufté » main selon un procédé semi-industriel recueille de nombreux suffrages, car il permet de réaliser sous le contrôle d'un artiste des éditions limitées diffusées par les galeries spécialisées.

De l'éclectisme à l'Art nouveau (1851-1900)

Sous le second Empire, le goût du décor opulent se révéla une aubaine pour les industries d'art. Les tapis devaient couvrir l'intégralité du sol dans un souci qui mêlait le confort et l'ostentation. Les fabriques de la Marche, Aubusson et Felletin (Creuse) connurent un âge d'or tant pour les tapis noués que pour les tapis ras. Les maquettes, souvent anonymes, montrent que les dessinateurs attachés aux ateliers puisent dans un large répertoire de styles anciens (le style Tous les Louis, englobant les règnes de Louis XIII, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, cher aux Anglo-Saxons) avec une prédilection pour les représentations de fleurs et de fruits dans des couleurs saturées et soutenues. Les somptueuses réalisations de la manufacture aubussonnaise Sallandrouze de Lamornaix, dont la clientèle s'étendait jusqu'aux États-Unis, figurent parmi les tapis les plus luxuriants jamais tissés.

On connaît la réticence de l'élite intellectuelle anglaise, dont John Ruskin fut le maître à penser, devant un art ostentatoire et « mensonger ». Le rôle de William Morris fut déterminant dans l'évolution des arts décoratifs : sa volonté d'authenticité, sa réflexion sur le lien nécessaire entre le beau et l'utile l'amenèrent à revoir l'intégralité de la conception du décor : ses dessins de papiers peints, de tissus, de tapis, de carreaux de céramique indiquent une admiration partagée entre le Moyen Âge et la Perse. Les tapis tissés dans sa manufacture d'Hammersmith puis à Merton Abbey à partir de 1881 montrent une stylisation de motifs végétaux encore très denses. Charles Voysey, considéré comme un des architectes importants de l'Art nouveau, s'intéressa lui aussi aux arts textiles. Il travailla dans une gamme ornementale plus épurée que Morris, trouvant son inspiration dans une nature à la fois stylisée et idéalisée, jouant sur les aplats[...]

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Écrit par

  • : adjointe à la Miission ameublement du Mobilier national, chargée du fonds textile d'Aubusson du XXème siècle au Mobilier national
  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Toulouse-II

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