TAPISSERIE
La tapisserie médiévale (XIVe-XVe s.)
La tapisserie devint au xive siècle l'apanage des grands princes qui en constituèrent des collections considérables. Elle ornait le mur du château et de l'église, elle était transportée de demeure en demeure et était tendue dans les rues à l'occasion de fêtes religieuses ou d'« entrées » princières (ces diverses manipulations expliquent bien souvent les usures et la disparition de nombreuses tentures). La majeure partie de la collection était toutefois soigneusement conservée dans des coffres ou entreposée dans des locaux spécialement conçus pour cela. Objet de grand luxe, la tapisserie constituait pour ses propriétaires une importante réserve de capital, un moyen d'échange ou de cadeaux diplomatiques. Enrichie de fils d'or et d'argent, elle contribuait également à affirmer le rang, la puissance du seigneur.
Depuis les années 1960, les historiens se fondent sur une méthode qui analyse chaque stade du processus d'élaboration d'une tapisserie. Vient en premier lieu la commande, bien qu'il soit rarement possible d'aller plus loin que l'identification du commanditaire ou de l'acquéreur (ducs de Bourgogne, riches ecclésiastiques, hauts dignitaires du royaume, tel Jean IV le Viste pour la Dame à la licorne, au Musée national du Moyen Âge et des thermes de Cluny, à Paris). Le rôle de l'entrepreneur ou du marchand de tapisseries, car il fait le lien entre la clientèle d'une part et les peintres – le maquettiste et le cartonnier – et le licier d'autre part, reste encore mal connu. Il convient toutefois de dissocier la vente des tapisseries de leur fabrication, les lieux de négoce n'étant pas obligatoirement les mêmes que les centres d'exécution : Nicolas Bataille ainsi que d'autres grands fabricants parisiens (Jacques Dourdin, Pierre de Beaumetz, Jean Lubin...) vendaient non seulement des tapisseries de leur production, mais également des ouvrages d'Arras ; Anvers était une importante place de négoce de tapisseries. L'organisation même du travail n'implique pas qu'une tapisserie commandée à un fabricant ait été réalisée dans son atelier. Des entrepreneurs sous-traitaient une partie de leur travail à des confrères qui n'étaient pas nécessairement installés dans la même ville qu'eux (pratique qui eut également cours durant les siècles suivants). Au centre même du processus d'élaboration de la tapisserie, il convient de distinguer les rôles respectifs du maquettiste, du cartonnier et du licier ; rares sont les tentures, comme la Légende d'Herkenbald (Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles), pour lesquelles sont connus le maquettiste (Jan van Roome, qui fut payé de ses modèles en 1513 par la confrérie du Saint-Sacrement à Saint-Pierre de Louvain), le cartonnier (Philippe, le peintre) et le licier bruxellois (Léon, le tapissier). L'identité des peintres qui ont fourni les cartons est encore bien souvent ignorée. En outre, les caractères stylistiques de la maquette doivent être dissociés de ceux de tissage ; les modèles circulaient librement entre les différents centres de fabrication (cette remarque est également valable pour les périodes plus récentes). La détermination des lieux de tissage demeure un des problèmes les plus délicats à résoudre : peu d'œuvres sont attribuées avec certitude à des centres précis. L'historien doit faire montre de prudence, au risque de retomber dans des hypothèses hasardeuses, comme celle qui perdura jusqu'à la création du mythe encore tenace des ateliers des bords de la Loire.
Les tapissiers parisiens avaient fait de Paris un centre à l'activité considérable pouvant rivaliser avec celle des ateliers d'Arras. On sait que le duc Louis Ier d'Anjou, frère du roi Charles V, commanda la célèbre[...]
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Écrit par
- Pascal-François BERTRAND : docteur en histoire de l'art, maître de conférences à l'université de Toulouse-II
Classification
Médias
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