TAROT
Le tarot n'est pas un jeu de cartes comme les autres. D'abord parce qu'il se distingue par un grand nombre de cartes – jusqu'à 97 dans la variante florentine – ensuite parce que son histoire a prêté à des interprétations légendaires qui, pour être sans fondements, n'en sont pas moins fort répandues. On a longtemps cru que le tarot était le plus ancien des jeux de cartes et que nos jeux ordinaires en procédaient, par « simplification ». Les recherches les plus récentes permettent d'inverser ce schéma : le tarot apparaît alors comme une variante « enrichie » du jeu à quatre couleurs. Quant à son usage divinatoire, il n'est pas prouvé avant la fin du xviiie siècle.
Composé le plus souvent de 78 cartes, un jeu de tarot se divise facilement entre une section « normale », répartie en quatre couleurs, mais avec une figure supplémentaire (le cavalier), et une série de 21 cartes numérotées dont la valeur est supérieure, en ordre croissant, à toutes les autres. Une carte supplémentaire appelée « fou » ou « excuse », sorte de joker, complète le tout.
Le tarot est un jeu de levées avec atout pour trois, quatre ou cinq joueurs (parfois même deux ou six). Ici, c'est le nombre de points qui permet de gagner. Pour cela, on a attribué très tôt des valeurs aux cartes les plus importantes : roi, dame, cavalier, valet, ainsi qu'au 1, au 21 et au fou. Mais le tarot a ceci d'original qu'il possède une série d'atouts permanents, au nombre de vingt-deux. De ces atouts, ou « tarots » proprement dits, émergent trois cartes clés (les « bouts » en français moderne) : le no 1, appelé bagatto en Italie et « petit » en France, le no 21 (mondo en italien) et le fou ou « excuse » (matto en italien). Chacune de ces cartes vaut cinq points. Elles sont en outre dotées de pouvoirs spéciaux : l'excuse permet d'éviter de jouer dans un moment crucial, le 1 d'atout « mené au bout » ou pris à celui qui le joue dans le dernier pli permet d'encaisser une prime. L'existence d'un écart, si elle n'est pas propre au tarot, est une des règles importantes. Il s'agit de ces cartes (entre deux et six) que l'on met de côté à la donne et que les joueurs se disputeront au cours d'une séquence d'enchères. Le décompte des points obéit lui aussi à un processus original : selon le nombre des joueurs (trois, quatre ou cinq), on compte, en fin de partie, les cartes par groupes, en associant les cartes fortes à une ou plusieurs cartes sans valeur.
Origines du tarot
Avant le tarot, il y a les cartes. Tout concourt en effet à montrer que le jeu ordinaire, apparu en Europe vers 1360, précède le tarot. Celui-ci apparaît plutôt comme une variété luxueuse, amplifiée, née quelque soixante-dix ans après. C'est dans l'Italie du Nord qu'il faut aller chercher les premières manifestations du jeu de tarot. À en juger par les plus anciens exemplaires conservés, ceux qui ont été faits pour la cour de Milan entre 1440 et 1450, la fantaisie décorative est moins grande qu'il n'y paraît d'abord : les couleurs retenues sont celles des jeux italiens traditionnels, coupes, épées, bâtons et deniers. On a décrit avec minutie le contexte culturel qui fut celui des cours princières de l'Italie du Nord, notamment celles de Milan et de Ferrare, où le tarot pourrait bien avoir été inventé vers 1430 : le goût des fêtes somptueuses et des processions carnavalesques, les références littéraires à Pétrarque et à son recueil de poèmes I Trionfi (« Les Triomphes », écrit vers 1360), l'imitation des triomphes antiques, la manie des clins d'œil familiaux, c'est de cet environnement, et aussi de l'exploitation de thèmes bien vivants de la culture populaire qu'a pu naître la série des allégories qui caractérisent le tarot.[...]
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Écrit par
- Thierry DEPAULIS : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu
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