TAUX D'INTÉRÊT
Les « spreads » de taux d'intérêt
Les taux d'intérêt appliqués aux emprunts des entreprises sont généralement différents de ceux consentis aux États. Ils incorporent une prime de risque supplémentaire, ou spread, qui varie selon la fiabilité des emprunteurs. Le spread peut être défini comme l'écart entre le taux d'intérêt d'un emprunt donné et un taux dit de référence sur la même maturité. Il compense le risque de défaut de l'emprunteur, c'est-à-dire le risque que l'emprunt ne soit pas servi aux conditions prévues dans le contrat.
Le taux de référence du marché
Les taux de référence, ou taux sans risque, dans une monnaie donnée, sont généralement ceux des emprunts d'État. Les États sont, en effet, considérés comme les emprunteurs les plus sûrs du marché, lorsqu'ils s'endettent dans leur propre monnaie. En effet, la probabilité pour que les emprunts d'État en monnaie locale ne soient pas remboursés est faible, puisqu'en cas de menace d'insolvabilité, un État peut faire appel à l'impôt, voire demander à la banque centrale de le renflouer pour éviter la crise. Ainsi, les États bénéficient généralement des taux d'intérêt les plus bas du pays lorsqu'ils s'endettent dans leur propre monnaie. Leurs taux servent de référence aux autres emprunteurs. Le taux des obligations d'État est considéré comme le taux de référence sur le marché obligataire, celui des bons du Trésor, pour les emprunts à court terme.
Lorsqu'un État s'endette en devises, au contraire, son taux n'est plus une référence. L'histoire récente est ponctuée de crises, où des États font défaut sur leur dette en devises (par exemple, l'Argentine au début des années 2000). L'État empruntant en devises se voit donc appliquer un spread de taux, le taux de référence étant alors celui de l'État émetteur de la devise. Le taux des obligations de l'État américain sert ainsi de référence au calcul des taux d'intérêt payés par les pays émergents, pour leurs emprunts en dollars.
Le risque de défaut
Le « défaut » d'un emprunteur est défini soit par le retard ou l'absence de paiement des intérêts ou du principal, soit par un rééchelonnement ou une restructuration de la dette imposés aux créditeurs. Dans tous ces cas, la créance est fortement dévalorisée. Comme le spread compense le risque de défaut, plus le défaut est probable, plus le spread est élevé.
Le spread dépend donc positivement de la probabilité de défaut. Il dépend aussi de la perte encourue en cas de défaut, ou du « taux de recouvrement ». En effet, en cas de défaut, la valeur de la créance ne tombe pas à zéro. Une partie de la dette peut être recouverte, soit au moment de la liquidation de l'entreprise, soit sur le marché secondaire, hautement spéculatif, des créances en défaut. Au total, le rendement sur un placement risqué est égal soit au taux de recouvrement s'il y a défaut, soit à son taux d'intérêt, sinon. Si on fait la moyenne entre ces deux situations, le rendement moyen du placement « dit espéré », n'est donc pas égal au taux d'intérêt affiché sur l'emprunt, mais lui est inférieur.
Comme tous les prix d'actifs, le taux d'intérêt sur un emprunt risqué et le taux sans risque sont liés par les lois de l'arbitrage. Les rendements espérés sur les deux placements sont donc égaux, pour les mêmes maturités, en l'absence d'aversion au risque. Avec ce raisonnement, on trouve que le spread est à peu près égal à la probabilité de défaut de l'emprunteur multipliée par la perte encourue en cas de défaut (elle-même égale à 1 moins le taux de recouvrement).
Le rôle des agences de notation
Le taux d'intérêt dépend donc du risque de défaut de l'emprunteur. Or évaluer[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Virginie COUDERT : conseiller scientifique, direction de la stabilité financière, Banque de France, professeur associé, université de Paris-XIII
Classification
Autres références
-
AGENCES DE NOTATION
- Écrit par Patrick JOLIVET
- 3 415 mots
...crédit. En France, jusqu'au milieu des années 1980, les marchés financiers étaient cloisonnés – marchés monétaire, hypothécaire, obligataire... ; le jeu des taux d'intérêt opérait de façon relativement indépendante sur chacun d'eux, leur accès était restreint à quelques agents économiques particuliers... -
AGIOS
- Écrit par André BOYER
- 371 mots
En matière bancaire, ensemble des retenues opérées par le banquier, en contrepartie de l'escompte d'un effet de commerce. Les agios et l'escompte ne se confondent pas : l'escompte est le prêt accordé par une banque lorsqu'elle acquiert un effet de commerce avant son échéance ; les agios constituent...
-
ALLAIS MAURICE (1911-2010)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Françoise PICHON-MAMÈRE
- 1 317 mots
C'est un économiste français aussi brillant que peu consensuel qui s'est éteint le 9 octobre 2010 à Paris. Participant en 1947 à la première réunion de la très libérale Société du Mont-Pèlerin, partisan de l'Algérie française qui dénonçait le « génocide » commis à l'encontre...
-
ANTICIPATIONS, économie
- Écrit par Christian de BOISSIEU
- 6 072 mots
- 4 médias
...en tête l'idée d'un niveau « normal » (variable d'un agent à l'autre et dans le temps) pour les grandeurs économiques. Considérons, à titre d'exemple, la question des anticipations de taux d'intérêt. Des anticipations régressives signifient qu'une hausse des taux d'intérêt à la période actuelle fait présager... - Afficher les 63 références