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TAVIANI VITTORIO (1929-2018) & PAOLO (1931-2024)

Les cinéastes italiens Paolo et Vittorio Taviani, nés respectivement le 8 novembre 1931 et le 20 septembre 1929 à San Miniato, furent indissociables pendant soixante-quatre années de travail en commun. Les deux frères organisèrent cette heureuse confusion auprès des journalistes, invités à ne jamais révéler lequel des deux avait répondu à leurs questions, ou avait pris une initiative sur un tournage.

Ce pacte remonte à l'enfance passée à San Miniato et à Pise, au cœur de la beauté toscane, défigurée par la guerre et ses massacres. Leur père, un avocat antifasciste, leur apprend à comprendre cet univers contradictoire. À la Libération, ils découvrent Paisàde Rossellini. En 2013, ils déclareront à L’Avant-Scène Cinéma : « En voyant ces images, nous avons compris avec davantage de profondeur la réalité que nous avions connue. Nous nous sommes dit que si le cinéma avait la force de nous révéler, à nous-mêmes, notre propre vérité, nous devions alors faire du cinéma. Ce n’est pas une formule, nous avons décidé à ce moment précis de faire du cinéma. » En 1950, ils fondent le ciné-club de Pise. Influencés par les idéaux de la Résistance, par Rossellini et Brecht, ils considèrent le cinéma comme un moyen de relier les hommes. À Rome, ils croisent Cesare Zavattini en 1954 pour un premier film – non distribué – sur le massacre de San Miniato en 1944. Après plusieurs courts-métrages, ils composent le scénario de L'Italie n'est pas un pays pauvre (L’Italia non è un paesepovero)de Joris Ivens. Dès le début, on note donc un parti pris d'engagement civique, avec des artistes préoccupés tout autant par la morale que par l'esthétique.

Engagement et lyrisme, méditation historique et profusion de l'imaginaire, les règles sont posées. Leur premier long-métrage, Un homme à brûler (Un uomo da bruciare), premier rôle de protagoniste pour Gian Maria Volontè, est réalisé en 1962 avec Valentino Orsini, leur complice du ciné-club et des premiers essais théâtraux à Pise. Un second film avec Orsini, Les Hors-la-loi du mariage (fuorileggedelmatrimonio, 1963), où Ugo Tognazzi tient le rôle principal, obtient un grand succès public. Désormais, les frères Taviani poursuivront leur carrière en duo, et les films suivants évoqueront la politique, le militantisme et l'utopie, les désillusions et les trahisons. Leur lyrisme, proche de l'opéra, permet d'ajouter Visconti à Rossellini parmi leurs influences décisives. Tolstoï, leur écrivain préféré, n'est jamais loin, préoccupé par l'histoire, fasciné par le romanesque, la lutte des sentiments, la trahison, l'illusion et la dimension épique du récit. Le Togliatti des Subversifs (Sovversivi, 1967), les conspirateurs (carbonari) d'Allonsanfàn (1974) sont évoqués avec une force suffisante pour émouvoir un public international. Padre padrone (1977), tourné au cœur de la Sardaigne, leur vaut une palme d'or au festival de Cannes due largement au président du jury, Roberto Rossellini, qui mourra quelques jours après son retour de Cannes. Les frères Taviani donnent à sa fille Isabella et à Saverio Marconi les rôles principaux du Pré (Il prato, 1979), traitant les questions militantes sur le ton de l'élégie et du lyrisme amoureux avant de revenir au traumatisme originaire avec La Nuit de San Lorenzo (La notte di San Lorenzo, 1982), où la beauté des étoiles filantes se mêle à la boue et au sang des horreurs fascistes et nazies. Dans Kaos (1984), ils adaptent cinq nouvelles de Pirandello et reviennent en Sicile, cadre de leur premier film. Deux frères siciliens venus à Hollywood en 1913 sont les héros de Good Morning Babilonia (1987). Rendant hommage à Griffith, ils y présentent pour la première fois dans leur œuvre la thématique de la fraternité.

Par la suite, ils célèbrent Tolstoï dans deux films, [...]

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