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TAXI DRIVER, film de Martin Scorsese

Une contradiction ambulante

Faut-il prendre Travis comme un exemple, un repoussoir ou un symptôme ? Pour les parents d'Iris, qui lui écrivent une lettre de remerciement et lui rendent visite à l'hôpital après l'extermination des demi-sels de l'immeuble de passe, Travis est un héros auquel ils sont « redevables ». Grâce au carnage, c'est un fait, Iris a pu reprendre des études et l'existence d'une collégienne sans histoires (Paul Schrader, le scénariste, reviendra sur ce motif de la perdition des jeunes âmes et des jeunes corps dans Hardcore, 1979). Est-ce à dire que le « coup de torchon » passé par Travis constitue une solution viable ? Le film restera évasif ; tout y semble avoir deux facettes. Ainsi Betsy voit-elle en Travis l'incarnation du héros d'une chanson de Kris Kristofferson (chanteur de country interprète du précédent film de Scorsese, en 1975, Alice n'est plus ici), The Pilgrim (« le pèlerin »). Il est « une contradiction ambulante », dit le texte, « qui prend toutes les mauvaises directions au long du retour solitaire vers son foyer ». Mais quel foyer ? Comme l'écrit Travis, « il m'a toujours manqué le sens du port d'attache »...

La violence fascine Scorsese, qui interprète d'ailleurs dans le film un client particulièrement pervers. Le long travelling en plongée totale qui nous montre, à la fin de la tuerie, la litanie de corps et de flaques de sang, nimbé des accords lancinants d'une somptueuse partition du compositeur attitré d'Hitchcock, Bernard Herrmann, ne met-il pas l'accent sur la dimension plastique du meurtre ? L'ambiguïté est à son comble lorsque Travis s'entraîne à tirer et à jouer les inspecteurs Harry en se prenant lui-même pour cible dans le miroir de sa salle de bains... Comme les protagonistes d'Apocalypse Now (1979), il a gagné une solide misanthropie en participant au cauchemar vietnamien, et ce n'est certes pas la faune des peep-shows qui le fera changer d'avis. « Voilà l'homme qui n'en pouvait plus ! », dit-il de lui-même, et le film entérine ce constat.

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

<em>Taxi Driver</em>, M. Scorsese - crédits : Steve Schapiro/ Columbia Pictures/ MoviePix/ Getty Images

Taxi Driver, M. Scorsese

Autres références

  • HERRMANN BERNARD (1911-1975)

    • Écrit par
    • 2 986 mots
    • 1 média
    ...ensuite avec Brian De Palma pour Sisters (Sœurs de sang, 1972) et Obsession (1975). En 1975, il signe sa dernière partition cinématographique pour Taxi Driver de Martin Scorsese. Le thème du blues au saxophone avait originellement été composé comme une musique qui devait être jouée de manière intégrée...