TCHÉCOSLOVAQUIE
L' État tchécoslovaque était issu de la Première Guerre mondiale et de l'effondrement de l'Empire multinational des Habsbourg. Il réunissait les comitats du nord de la Hongrie sous le nouveau nom de Slovaquie, et les pays tchèques : Bohême, Moravie et Silésie morave, et la Ruthénie ou Ukraine subcarpathique. Il se voulait l'État de la « nation tchécoslovaque » et postulait l'unité ethnique et culturelle des 6 850 000 Tchèques et des 1 910 000 Slovaques séparés par l'histoire. Il comptait plus d'un tiers de « minorités allogènes », avec 3 123 000 Allemands, la majorité en Bohême et en Moravie, 745 000 Hongrois en Slovaquie, 461 000 Ruthènes, Ukrainiens et Russes en Russie subcarpathique, 180 000 Juifs, 75 000 Polonais (chiffres du recensement de 1921). Les langues officielles étaient le tchèque et le slovaque, égaux en droits, mais les minorités avaient le droit d'user de leur langue maternelle dans leurs relations avec l'administration là où le nombre de leurs ressortissants atteignait 20 p. 100. La création du nouvel État avait donc combiné des principes de droit historique, un principe ethnique, une vision de l'histoire nationale et des considérations de géopolitique sécuritaire. La Tchécoslovaquie de Masaryk et de Beneš fut, jusqu'aux accords de Munich par lesquels Hitler annexa les régions des Sudètes, le seul pays démocratique non conservateur de l'Europe centrale. Après l'asservissement du pays par l'Allemagne hitlérienne, la république reformée en 1945 expulsa ses minorités allemandes et se tourna vers l'U.R.S.S. Le coup de Prague de février 1948 installa un régime communisme. La déstalinisation fut tardive. La chape de plomb desserrée au début des années 1960 se referma pour vingt années de « normalisation » après l'échec du Printemps de Prague de 1968. La révolution de velours de novembre 1989 réinstalla la démocratie libérale et l'économie de marché. Le 1er janvier 1993, la Tchécoslovaquie se dissocia en deux nouveaux États, la République tchèque et la Slovaquie.
De la création de l'État à la Seconde Guerre mondiale
Formation du nouvel État (1914-1919)
L'idée d'un État rassemblant Tchèques et Slovaques commençait à peine à s'affirmer dans les premières années du xxe siècle. La Première Guerre mondiale la fit progresser à grands pas et en permit la réalisation. Si les modérés n'envisagent encore rien de mieux que l'autonomie dans le cadre d'une Autriche-Hongrie réellement fédérale, de plus hardis songent déjà à l'indépendance, notamment dans la bourgeoisie libérale et russophile. Mais la répression s'abat sur eux : Karel Kramář et Alois Rašín sont emprisonnés, la presse est bâillonnée, l'association patriotique de gymnastique des Sokols est interdite. La résistance intérieure ne peut être que passive, parfois teintée d'humour comme celle que pratique dans l'armée le célèbre héros de Jaroslav Hašek, le « brave soldat Švejk ». Aussi les patriotes mènent-ils leur action hors de l'Empire ; pour faire connaître et accepter leur cause, ils reçoivent l'aide d'intellectuels, tels les slavistes français Louis Leger et Ernest Denis. Tomáš Garrigue Masaryk et ses collaborateurs (le Tchèque Edvard Beneš, le Slovaque Milan Štefánik) constituent en France le Conseil national tchécoslovaque (1916) ; ils mènent en Amérique une intense propagande auprès de leurs compatriotes émigrés.
L'affaiblissement de l'Autriche-Hongrie, l'intervention des États-Unis, les révolutions russes de 1917 facilitent leur tâche. Recrutées parmi les prisonniers de guerre et les émigrés d'avant la guerre, des « brigades tchécoslovaques » participent aux offensives russes de Galicie (bataille de Zborov en juillet[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marie-Elizabeth DUCREUX : directrice de recherche au C.N.R.S.
- Michel LARAN : maître de recherche au C.N.R.S.
- Jacques RUPNIK : directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
Classification
Médias
Autres références
-
ACCORDS DE MUNICH
- Écrit par Sylvain VENAYRE
- 214 mots
- 1 média
Fidèle à son pangermanisme proclamé, Adolf Hitler réclame avec plus d'insistance que jamais, en septembre 1938, la cession au IIIe Reich du territoire tchécoslovaque sur lequel vit la minorité germanophone des Sudètes. L'Allemagne est prête à la guerre pour obtenir gain de cause. Le...
-
ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande
- Écrit par Georges CASTELLAN et Rita THALMANN
- 19 516 mots
- 6 médias
...du S.P.D., son ministre Willy Brandt se prononça pour le respect de la ligne Oder-Neisse, mais refusa de reconnaître la R.D.A. en droit international. Le printemps de Prague et la politique d'ouverture de l'équipe Dubček ranimèrent la méfiance des dirigeants de Berlin-Est. Après l'établissement par Bonn... -
BACILEK KAROL (1896-1974)
- Écrit par Ilios YANNAKAKIS
- 643 mots
Le nom de Karol Bacilek est étroitement lié à la période la plus sombre de l'histoire tchécoslovaque de l'après-guerre : les « procès » politiques des années 1950. Surnommé le Beria tchécoslovaque, Bacilek a été un des principaux organisateurs des procès contre Slansky et d'autres éminents dirigeants...
-
BARTOSEK KAREL (1930-2004)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 165 mots
Historien et dissident tchèque. Jeune historien marxiste, engagé au Parti communiste, Karel Bartosek participe pourtant au Printemps de Prague en 1968. Il perd alors son poste à l'Institut d'histoire, démissionne du parti, et est emprisonné six mois en 1972. Signataire de la Charte 77, mouvement de...
- Afficher les 67 références