TCHÉCOSLOVAQUIE
La Tchécoslovaquie de 1945 à 1968
Entre la libération en mai 1945 et le « coup de Prague » de 1948, la Tchécoslovaquie a connu une évolution politique originale par rapport aux autres pays d'Europe de l'Est libérés par l'Armée rouge. Alors que certains de ces pays avaient subi soit une soviétisation rapide et brutale (Roumanie, Bulgarie), soit la fameuse « tactique du salami » (Pologne, Hongrie), la Tchécoslovaquie a connu de 1945 à 1948 une situation de « pluralisme limité ». Pluralisme, puisque plusieurs partis appartenant au Front national participèrent à des élections libres en 1946 d'où le Parti communiste sortit grand vainqueur en obtenant 38 p. 100 des voix (40 p. 100 dans les pays tchèques et 30 p. 100 en Slovaquie). Mais pluralisme limité, dans la mesure où les deux plus grands partis politiques d'avant guerre, le Parti agrarien et le Parti populaire slovaque, n'étaient pas autorisés à se reconstituer à cause de leur comportement pendant la crise de Munich. Et, surtout, le Front national qui comprenait les représentants des divers partis (socialiste-national, 23,5 p. 100 des voix ; populiste 20,2 p. 100 ; social-démocrate tchèque, 15,6 p. 100 et démocrate qui obtint 60 p. 100 des voix en Slovaquie) était en fait une coalition bloquée dans la mesure où les partis adhéraient tous au même programme de gouvernement et ne pouvaient envisager de constituer une opposition parlementaire.
Tous ces partis étaient donc des partis de gouvernement, unis autour du programme de Kosǐce dont les objectifs principaux étaient : l'élaboration d'une nouvelle Constitution, la nationalisation des secteurs clés de l'industrie et du système bancaire, la réforme agraire, l'établissement d'un plan biennal pour redresser et restructurer l'économie qui, au demeurant, n'avait pas autant souffert de la guerre que dans les pays voisins, dans la mesure où l'occupant allemand l'avait aménagée pour les besoins de l'effort de guerre du Reich. Ce consensus autour d'un programme « socialisant » s'exprimait aussi sur un autre objectif immédiat important, à savoir le « transfert » de près de trois millions d'Allemands des Sudètes – considérés comme collectivement coupables de la destruction de l'État tchécoslovaque entre 1938 et 1945 – hors de Tchécoslovaquie. C'était là rompre non seulement avec une présence allemande en Bohême qui remontait au xiiie siècle, mais aussi amorcer la première phase des nationalisations des biens de production puisque ce que l'on appela la purge nationale prévoyait la confiscation par l'État des biens allemands et hongrois.
Le compromis qui s'était forgé autour de ces objectifs commença à se détériorer à partir de 1947 proportionnellement à la dégradation des rapports entre l'Union soviétique et les alliés occidentaux. Une situation économique médiocre, due aux très mauvaises récoltes de 1947, alourdit encore le climat. Mais c'est la question de la participation tchécoslovaque au plan Marshall qui constitua le véritable tournant dans la vie politique du pays. Alors que le gouvernement de Prague avait, dans un premier temps, accepté l'offre américaine, Moscou imposa l'annulation de cette décision présentée par Staline comme une remise en cause de la coopération soviéto-tchécoslovaque. Beneš, qui avait espéré faire de la Tchécoslovaquie un « pont entre l'Est et l'Ouest », se vit contraint de choisir son « camp ». La rupture de la coalition intérieure n'était qu'une question de temps.
Le « coup de Prague »
L'originalité de la prise du pouvoir par le Parti communiste en février 1948 – ce que l'on a appelé le « coup de Prague » – tient essentiellement à l'utilisation par le P.C. des canaux institutionnels existants avec des moyens de pression[...]
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Écrit par
- Marie-Elizabeth DUCREUX : directrice de recherche au C.N.R.S.
- Michel LARAN : maître de recherche au C.N.R.S.
- Jacques RUPNIK : directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
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