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TCHÉCOSLOVAQUIE

La politique de « normalisation »

La politique de « normalisation » inaugurée par le successeur d'Alexandre Dubček à la direction du Parti communiste tchécoslovaque, Gustáv Husák, en avril 1969, fut centrée dans un premier temps sur l'élimination systématique des réformes du printemps de 1968, le Printemps de Prague, et la mise à l'écart de ceux qui en furent les promoteurs. Or l'expérience du « socialisme à visage humain » avait été avant tout une tentative pour résoudre une crise profonde de la société tchécoslovaque, dont les manifestations convergentes furent la crise du système économique et du modèle stalinien de planification, le refus slovaque du centralisme pragois et la révolte des intellectuels contre l'arbitraire de la censure dans le domaine culturel. Ces trois facteurs avaient pour dénominateur commun la remise en cause d'un système bureaucratique et centralisé, qui, sous la direction d'Antonin Novotný, s'était refusé à mener une déstalinisation, même partielle, après 1956. L'invasion des troupes du pacte de Varsovie en août 1968 puis la « normalisation » mirent un terme au projet réformiste, mais laissèrent la nouvelle direction confrontée aux grands problèmes structurels auxquels le Printemps de Prague prétendait apporter une réponse.

« Normaliser » le parti pour « normaliser » la société

Contrairement à une opinion très répandue, l'invasion soviétique ne réussit pas, par elle-même, à briser la dynamique du Printemps de Prague. Malgré les concessions que Dubček promettait aux Soviétiques, c'est à partir de l'automne que le mouvement des conseils ouvriers reçut son véritable élan, que les éléments les plus staliniens furent évincés de l'appareil syndical et que s'engagea dans la presse un débat politique d'autant plus libre qu'on le savait menacé. Autrement dit, la tâche première de Gustáv Husák, à son arrivée au pouvoir en avril 1969, fut de rétablir le « rôle dirigeant du parti dans la société », et, pour cela, d'abord de « normaliser » le parti lui-même. Cela se traduisit entre 1970 et 1971 par une purge sans précédent depuis la guerre dans le mouvement communiste (à l'exception de la révolution culturelle chinoise). Selon V. Bilák, le numéro deux du Parti communiste tchécoslovaque (Rudé Právo, 13 sept. 1975), 70 934 personnes furent exclues du parti et 390 817 furent « rayées » des cadres. Au total, donc, le P.C.T. fut amputé de près d'un demi-million de ses membres, soit près d'un tiers des adhérents. Bilák précisa aussi que 30 p. 100 des exclus perdirent par là même leur emploi.

À plusieurs reprises, particulièrement lors du XVe congrès, en avril 1976, le secrétaire général laissa entendre qu'une attitude plus conciliante envers certains spécialistes de l'économie était envisagée, mais sans que cette intention se concrétise. L'organe du parti, le Rudé Právo, réitéra, au contraire, le 24 février 1978, les directives de 1970 concernant la qualification professionnelle, où les critères principaux restaient « les attitudes politiques, la fidélité au socialisme, à la politique marxiste-léniniste du parti et de l'État, l'amitié avec l'Union soviétique ». Autrement dit, contrairement à la politique plus pragmatique suivie par Edward Gierek en Pologne et Janos Kádár en Hongrie, Husák semblait continuer à privilégier le critère politique et idéologique par rapport à la compétence technique.

Le P.C.T., après le XVe congrès, fit cependant un effort de recrutement, retrouvant presque le niveau de 1968. Parmi les nouveaux adhérents, 90 p. 100 avaient moins de trente-cinq ans et 62 p. 100 étaient d'origine ouvrière. Après la purge, on assista donc à un effort plutôt volontariste de « prolétarisation » du Parti communiste[...]

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Tomas Masaryk - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Tomas Masaryk

Légionnaires tchèques - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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