TCHIANG KAI-CHEK ou JIANG JIESHI[TSIANG KIA-CHE](1887-1975)
Les raisons d'un échec
Le renversement de Tchiang Kai-chek par les communistes est souvent expliqué par la corruption qu'il tolère au sein de son gouvernement. D'autres thèses avancent que le chef du Guomindang est incapable de s'adapter à une situation en évolution. Dirigeant le pays d'une main de plus en plus ferme au fil des ans, il devient moins sensible au sentiment populaire et aux nouvelles idées. Il en vient ainsi à préférer la loyauté à la compétence et à s'appuyer davantage sur les liens personnels que sur le parti. Tchiang Kai-chek maintient dans un premier temps sa position de chef incontesté de la République en faisant jouer habilement la rivalité entre les seigneurs de la guerre et ses potentiels concurrents nationalistes, puis en cultivant adroitement le soutien militaire, diplomatique et financier des États-Unis à son régime. Son renversement par les communistes tient peut-être aussi à la stratégie qu'il adopte pendant la Seconde Guerre mondiale. De fait, il refuse en général d'utiliser ses armées équipées par les États-Unis pour opposer une résistance active à l'occupant nippon, préférant attendre que les États-Unis remportent seuls la victoire sur le Japon. Il choisit ainsi de préserver sa machine de guerre pour l'opposer aux communistes après l'armistice et les écraser définitivement. Mais la stratégie de Tchiang Kai-chek se retourne contre lui. Sa passivité face aux Japonais lui fait perdre son prestige et le soutien du peuple chinois, qui se tourne finalement vers les communistes lorsqu'il constate la résistance farouche que ces derniers opposent à l'ennemi ancestral. Le moral et l'efficacité des troupes de Tchiang Kai-chek déclinent lorsqu'elles sont contraintes de rester passives dans le sud-ouest de la Chine, tandis que les communistes mettent sur pied une vaste armée rompue au combat en faisant simplement appel au sentiment nationaliste chinois. Tchiang Kai-chek a « perdu la Chine » pour avoir manqué d'ambition ou de projet cohérent afin de mener à bien les profondes réformes économiques et sociales nécessaires pour faire entrer la société chinoise de plain-pied dans le xxe siècle.
Après la purge des éléments communistes qu'il opère dans les rangs du Guomindang en 1927 et l'alliance qu'il noue par la suite avec les propriétaires fonciers et les classes marchandes, Tchiang Kai-chek suit inexorablement une voie de plus en plus conservatrice qui ignore pratiquement le sort des paysans chinois, pauvres et opprimés. Ces derniers représentent cependant près de 90 p. 100 de la population. Leur soutien s'avérera donc une fois de plus primordial, comme le montrera la victoire communiste, pour établir un gouvernement central solide capable d'unifier la Chine et de la faire entrer dans l'ère de la modernité.
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