TECHNÉTIUM
Le risque de pénurie en technétium
Jusqu’en 2007, la production mondiale de molybdène 99, premier élément de la chaîne de fabrication du technétium 99m, était principalement assurée par cinq réacteurs nucléaires installés à Chalk River, au Canada (40 p. 100 environ du total) ; Petten, aux Pays-Bas (30 p. 100) ; Mol, en Belgique (10 p. 100) ; Saclay, en France (10 p. 100) ; Pelindaba, en Afrique du Sud (10 p. 100). Ces installations, qui fonctionnaient depuis les années 1960-1965, sont des réacteurs de recherche à haut flux de neutrons (1014 neutrons par centimètre carré et par seconde pour le réacteur Osiris à Saclay). Ils n’ont jamais eu pour premier but la fabrication de radioéléments à usage médical, mais plutôt l’étude et la qualification des matériaux utiles à l’industrie nucléaire. Une campagne de quelques jours de bombardement par des neutrons d’une cible dédiée d’uranium enrichi produit l’isotope 99 du molybdène que l’on sépare en général par chromatographie. Cet élément est ensuite introduit dans des générateurs molybdène/technétium qui permettent d’extraire les isotopes de technétium 99m utilisés dans des centres d’imagerie médicale.
En novembre 2007, le réacteur canadien est arrêté pour des raisons de sécurité, ce qui entraîne une pénurie de technétium 99m en Amérique du Nord ; sous la pression des hôpitaux, le gouvernement canadien autorise un redémarrage risqué, mais des fuites détectées en mai 2009 interrompent son fonctionnement pendant plus d’un an. En août 2008, c’est le réacteur néerlandais qui doit être arrêté pour un problème de corrosion dans son système de refroidissement. Cette période voit l’arrêt simultané des cinq réacteurs pour des raisons diverses. Le réacteur de Petten redémarre en février 2009, mais des réparations nécessitent sa mise hors service pendant six mois en 2010.
Après la mise en service récente de trois petites unités de production dans des réacteurs existants en Pologne, en République tchèque et en Australie, un réacteur de recherche, à Garching près de Munich (Allemagne), devrait prochainement être équipé pour contribuer vers 2019 à l’approvisionnement en molybdène 99. Mais il est clair que l’âge des installations et les exigences croissantes de sécurité rendent fort probable une pénurie plus ou moins durable de technétium 99m ces prochaines années. Un vif débat a lieu entre des partisans de la prudence dans les questions de sécurité des installations nucléaires et des adversaires de la pénurie de radioéléments. En France, l’Autorité de sûreté nucléaire (A.S.N.), après avoir accepté en 2011 la prolongation jusqu’en 2015 du fonctionnement du réacteur Osiris de Saclay (Essonne), a refusé en 2014 la proposition du Commissariat à l’énergie atomique (C.E.A.) de différer l’arrêt jusqu’en 2018 voire 2020. Il était prévu qu’Osiris soit remplacé par le réacteur Jules-Horowitz, mis en chantier en 2007 et dont la construction et l’exploitation à Cadarache, en Provence, bénéficient du cadre d’une coopération internationale. Dédié à la recherche sur les matériaux et les combustibles nucléaires, ce réacteur pourrait à terme assurer 25 p. 100 de la demande européenne en technétium. Comme beaucoup de chantiers nucléaires, les délais annoncés ont été largement dépassés et la production de molybdène 99 ne devrait commencer qu’après 2020 à Cadarache.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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