TECHNÉTIUM
De nouvelles techniques de production
Les autorités canadiennes ont répondu aux problèmes de pénurie de technétium par une stratégie audacieuse et novatrice. Ils ont initié en 2010 un programme de recherche visant à produire des radioéléments d’intérêt médical par des techniques alternatives. Les premiers résultats sont fort encourageants. En 2012, une équipe de la division de médecine nucléaire du laboratoire TRIUMF à Vancouver (Colombie-Britannique, Canada) a utilisé un faisceau de protons issu d’un cyclotron pour bombarder une cible de molybdène 100, produisant des quantités intéressantes de technétium 99m. Puisque, dans ces conditions, le technétium 99m est directement produit, il est nécessaire de l’utiliser très rapidement ; cette stratégie nécessiterait donc l’achat et l’exploitation de cyclotrons près des centres d’examens.
Une voie plus prometteuse de production de technétium 99m via le molybdène 99 a été récemment explorée. En 2014, des chercheurs du laboratoire C.L.S. (Canadian Light Source, « source canadienne de rayonnement ») de l’université de la Saskatchewan à Saskatoon (Canada) ont utilisé un faisceau de photons issus par rayonnement synchrotron d’un accélérateur linéaire d’électrons. Pour cela, ils exposent une première cible en métal lourd (du mercure liquide ou du tungstène solide refroidi par eau) au faisceau intense d’électrons accélérés, et placent derrière ce « convertisseur » une cible en molybdène 100. L’émission d’un neutron de recul par les cibles irradiées transmute le molybdène 100 en molybdène 99 ; l’équipe canadienne expédie ensuite la cible irradiée vers le Centre des sciences de la santé de Winnipeg, où les chercheurs du département de radiopharmacie la dissolvent et en extraient le technétium 99m. Le procédé est cependant loin d’être mature industriellement.
Ces techniques ont l’avantage de ne pas recourir à des processus de fission d’atomes lourds et aux problèmes de déchets nucléaires inhérents. Elles ne nécessitent pas d’instruments de grande taille et peuvent donc être mises en œuvre dans des centres de production de taille moyenne très proches des hôpitaux, ce qui minimise les pertes dues aux désintégrations radioactives pendant les voyages. Leur rendement est cependant très faible si on le compare à la production par réacteur. De plus, le molybdène 100, bien que présent dans la croûte terrestre avec une abondance naturelle de l’ordre de 10 p. 100 des atomes de molybdène, est uniquement préparé en Russie et est extrêmement onéreux : plusieurs euros le milligramme !
En dépit de ces limitations, si ces recherches portent rapidement leurs fruits, il sera donc possible d’échapper au dilemme sûreté nucléaire/pénurie de radioéléments d’intérêt médical. Le risque d’accident majeur dans un réacteur trop âgé lié à cette production serait alors écarté et le bénéfice d’un diagnostic performant des graves pathologies par scintigraphie serait préservé. Quoi qu’il en soit, le coût de la transition entre les anciennes et les nouvelles sources ne sera pas négligeable.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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Média
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