TECHNOLOGIE CULTURELLE
Le traitement de la matière
Une fois écartés les problèmes d'épistémologie, comment aborder l'étude des techniques ? L'intervention de l'observateur devant être minime, c'est par les caractères intrinsèques des moyens et des outils qu'il faut opérer un premier classement. Puisqu'une technique est formée de l'association matière, outil et agent, on peut commencer avec l'analyse des différentes façons de transformer la matière. Il s'agit essentiellement des percussions. Une percussion est posée lorsque l'outil est placé sur la matière à modeler ou à débiter avant que ne s'exerce la force des muscles. L'effet peut donc être extrêmement précis, mais est limité aux possibilités de contraction des muscles humains. Une percussion est lancée lorsqu'on ajoute à la force des muscles l'énergie cinétique d'un objet, tel un marteau, en mouvement. L'effort gagne en force ce qu'il perd en précision. Une percussion est dite posée avec percuteur lorsqu'on place l'outil sur la matière avant de la frapper avec un instrument lancé. Elle représente une des grandes inventions de l'humanité, car, à la précision du couteau, par exemple, on ajoute l'énergie cinétique d'un marteau. C'est une technique qui permet les finesses d'une gravure sur bois même lorsqu'il s'agit d'un bois très dur dont le débitage exige une certaine force pour frapper. Il est possible d'affiner ce classement des percussions en précisant si l'angle d'attaque aboutit à l'éclatement de la matière (percussion perpendiculaire) ou à la perte d'une partie de sa substance (percussion oblique). Enfin, on peut encore classer les outils d'après la nature de leur surface percutante. Celle-ci est soit tranchante (tranchant longitudinal lorsqu'il prolonge l'axe du manche, transversal lorsqu'il est perpendiculaire à cet axe), soit punctiforme, soit diffuse (cf. A. Leroi-Gourhan, L'Homme et la matière).
Il existe d'autres moyens de dompter la matière. Le feu intervient dans maintes techniques de fabrication. L'eau est utilisée aussi bien pour assouplir des matériaux rigides que pour dissoudre des matériaux cristallins. L'air, enfin, est employé pour déshydrater.
Toute action technique exige une source motrice et la forme des outils reflète souvent la recherche d'une meilleure utilisation de l'énergie disponible. Il existe, par exemple, plusieurs procédés pour augmenter et conserver l'énergie humaine. Les instruments de percussion lancés à deux mains, où il s'agit de levier de seconde forme (le point d'action est en avant du point d'appui), augmentent leur efficacité quand on allonge le manche ; ce qui a pour effet d'accroître considérablement l'énergie cinétique due à l'accélération au moment de la frappe et d'amplifier par l'effet de levier le poids de la tête. Parmi les outils faisant appel au levier de la première forme (point d'action et point d'application de la force séparés par le point d'appui), on peut citer les roues à godets des moulins à eau, certaines formes de tarière et la clef anglaise. Les mouvements circulaires appartiennent à une catégorie spéciale car, non seulement ils font souvent appel au principe du levier pour augmenter la force employée, mais aussi ils témoignent de l'aboutissement des efforts pour transformer les mouvements rectilinéaires inefficaces en mouvements circulaires efficaces. Enfin, il existe toute une série d'outils et de machines qui font appel aux propriétés d'élasticité de la matière pour mettre en réserve de l'énergie : arc, ressort,...
Ces classements dégagés de tout préjugé culturel, laissant s'articuler naturellement entre eux outils et moyens, sont évidemment abstraits[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Robert CRESSWELL : directeur de recherche au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
ANTHROPOLOGIE
- Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER et Christian GHASARIAN
- 16 158 mots
- 1 média
...fabrication d'outils simples et complexes), une telle classification permettant d'entreprendre une histoire des techniques et de leurs relations mutuelles. On parle de systèmes techniques lorsque ceux-ci sont conçus du point de vue de l'articulation entre les objets, les processus et les connaissances nécessaires... -
ARAIRE
- Écrit par Rose-Marie ARBOGAST
- 251 mots
L'araire est un instrument de culture attelé léger qui complète les outils manuels (houe, bêche). Associé à un animal (bœuf, âne...), il permet la conquête de nouveaux espaces cultivés ainsi qu'une intensification de l'exploitation agricole. Dans sa forme la plus élémentaire, l'araire est composé...
-
ARCHAÏQUE MENTALITÉ
- Écrit par Jean CAZENEUVE
- 7 048 mots
Onpeut être tenté de le chercher dans l'état d'avancement des techniques, d'abord parce que c'est un secteur particulièrement apparent et facile à traduire en termes précis, voire quantitatifs, et aussi parce que l'équipement matériel d'un peuple entraîne chez lui de nombreuses et importantes conséquences... -
BANTOU
- Écrit par Luc de HEUSCH
- 8 112 mots
- 4 médias
L' appellation « bantous » désigne les locuteurs d'un vaste groupe linguistique qui couvre la plus grande partie de l'Afrique centrale et australe. Il est composé d'environ quatre cent cinquante langues apparentées que M. Guthrie a regroupées en seize zones homogènes. J. Greenberg leur assigne à toutes...
- Afficher les 11 références