TECHNOLOGIE CULTURELLE
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Techniques d'acquisition
Les techniques fondamentales de toute société sont celles qui permettent aux hommes de se procurer de la nourriture. La répartition de ces différentes techniques entre pêche, chasse, élevage, cueillette et agriculture est d'une commodité certaine, mais il est malaisé de définir les frontières de l'une à l'autre. S'agit-il de la pêche ou de la chasse lorsqu'on capture des oiseaux avec des hameçons flottants ou lorsqu'on flèche des poissons ? Le point commun de toutes ces techniques est la capture d'êtres vivants, qu'il s'agisse des hommes ou des animaux, et partager cette activité selon le milieu aquatique ou terrestre de l'espèce visée est arbitraire.
L'analyse de ces techniques mène aux armes et aux pièges, aux leurres et aux poisons. Les armes sont en fait des outils et des instruments de percussion, mais la richesse de leur typologie exige une plus grande précision dans le vocabulaire utilisé pour les décrire. Il faut donc distinguer les armes de jet des armes de main, et ces dernières sont de nouveau à répartir selon deux critères : la longueur relative de la lame et le type de percussion. L'étude des armes introduit nécessairement l'étude des moyens de défense, boucliers actifs ou passifs et armures. La chasse inclut aussi la capture à la main et le dressage d'animaux pour la chasse.
L'élevage
L'homme n'élève pas différentes espèces du règne animal uniquement pour se procurer de la nourriture, mais pour satisfaire à bien d'autres besoins, voire à des goûts esthétiques, comme dans l'élevage d'agrément. L'élevage comprend ainsi plusieurs modes, depuis la simple déprivation de liberté et l'apprivoisement jusqu'au dressage très spécialisé du cirque. Par ailleurs, les espèces élevées actuellement ne constituent pas une somme ne varietur des efforts de l'homme dans ce domaine. Il y eut des essais infructueux comme l'élevage de l'antilope ou de l'hyène en Égypte dynastique, du chameau en Camargue.
La gamme des espèces élevées par l'homme est étendue. Les invertébrés sont représentés par les vers à soie et les huîtres, et une recherche systématique sur l'élevage inclurait les drosophiles des laboratoires. Les vertébrés comprennent, parmi les reptiles, les couleuvres élevées au Mexique, différentes races de poissons, une vingtaine d'espèces d'oiseaux et une quarantaine d'espèces de mammifères, parmi lesquelles, naturellement, on trouve les populations les plus nombreuses : les canidés, les bovidés, les ovidés, les suidés, les équidés et les camélidés. Parmi les mammifères figurent les animaux dont l'élevage est d'un profit multiple pour l'homme puisqu'ils lui fournissent les bêtes de trait, la viande comestible, le lait, le beurre, les peaux et les fourrures.
Tous les modes de rapports entre éleveurs et bêtes existent. Celles-ci sont parfois à demi sauvages, comme les rennes que suivent les hommes en modifiant à peine les parcours nécessaires à leurs besoins. Le troupeau peut n'être que source de prestige, et, dans ce cas, les éleveurs doivent obligatoirement vivre en rapport avec des groupes d'agriculteurs, que ceux-ci soient dominés ou insérés avec les éleveurs dans une économie complexe.
L'agriculture
L'exploitation du monde végétal débute avec la cueillette que l'on trouve en général associée avec la chasse. Se fier principalement à la cueillette, exige une connaissance approfondie du milieu naturel. Les Kung, peuple bochiman du désert de Kalahari en Afrique, sont capables de nommer deux cents variétés végétales, bien qu'ils n'en mangent que quatre-vingt-cinq. Toutes ces plantes ne font pas partie du régime quotidien car, hormis les périodes de disette, 90 p. 100 de l'alimentation provient de vingt-trois variétés, et 50 p. 100 de la noix mongongo seule. Les Kung connaissent deux cent vingt-trois races animales, mais ne consomment que cinquante-quatre d'entre elles et n'en chassent régulièrement que dix-sept. Cet exemple peut aider les Occidentaux à se défaire de quelques idées reçues. D'une part, ces hommes prédateurs jouissent d'un régime alimentaire équilibré et suffisant, voire excédentaire, car l'étude du bilan énergétique quotidien fait ressortir qu'ils absorbent en moyenne cent soixante-cinq calories et trente-cinq grammes de protéines de plus que ce qui est jugé nécessaire par rapport à leur milieu naturel et pour leurs activités. D'autre part, l'étude de ces dernières montre qu'en une semaine un adulte travaille entre un et trois jours pour rechercher de quoi entretenir lui-même et les siens. Au sein du groupe, 65 p. 100 seulement de la population travaille 36 p. 100 du temps, et 35 p. 100 ne travaille pas.
Quant à l'agriculture proprement dite, c'est-à-dire par définition le travail d'un champ, avant l'époque du colonialisme moderne certaines régions du monde étaient consacrées presque exclusivement à un seul type. Mais partout se trouve la culture des légumes et il faut signaler le rôle historique du haricot comme source végétale de protéines, aussi bien dans l'évolution démographique à Tehuacan, site mexicain (cf. infra, chap. 7), qu'au Moyen Âge européen.
Les activités agricoles s'ordonnent dans une suite logique particulièrement cohérente, car une amélioration ou une transformation dans l'une des catégories d'activités de cette série aboutit forcément à l'amélioration ou à la transformation des autres catégories de la même série. C'est dire que si l'on introduit, par exemple, une charrue sur une exploitation agricole, il sera difficile d'en rester à la transformation des techniques de labour, cette innovation devant inévitablement se répercuter sur les techniques de sarclage ou de récolte. La première opération de cette série consiste dans le nettoyage du sol, qu'il s'agisse de labour pour couper les mauvaises herbes (dans la sole en jachère) ou pour ameublir le sol (ce travail peut être fait avec un bâton à fouir ou avec une charrue mécanique), ou qu'il s'agisse de la coupe et de l'incendie de la brousse ou de la forêt. Couper et brûler, la végétation est le fait d'un mode de production spéciale : l'agriculture sur brûlis. Cette dernière technique, qui se rencontre encore dans toute l'Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique du Sud, implique une très longue durée des friches ; après avoir exploité un coin de forêt pendant un ou deux ans, il faut laisser revenir la végétation forestière pendant des périodes allant de dix à vingt ans.
Le nettoyage du sol est suivi de l'ensemencement, qui peut avoir lieu en même temps que l'épandage d'engrais ou après ; la gamme de ces engrais va des algues marines aux cendres en passant par le fumier animal ou humain. Entre l'ensemencement et la récolte se situe la période des soins des plantes, qui consiste pour la plus grande part en des sarclages répétés. En certains cas spécifiques, comme pour le riz irrigué, cette période contient aussi le repiquage de jeunes pousses dans des champs inondés. La récolte comprend, pour les céréales, la coupe et la séparation des grains de la paille, bien que cette opération se situe tout aussi logiquement au début des différentes techniques de l'alimentation, et, pour les cultures de racines, le déterrement.
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Écrit par
- Robert CRESSWELL : directeur de recherche au C.N.R.S.
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Voir aussi
- PRODUCTION MODES DE
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