TÉHÉRAN
La ville duale et l'émergence des banlieues
La seconde moitié du xxe siècle est marquée par le développement de la ville vers le nord, l'émergence des banlieues et le renforcement de la coupure sociale et politique de la ville, les pauvres dans la ville basse au sud et les riches dans la ville haute au nord.
Le renforcement d'une nouvelle classe moyenne par la « révolution blanche » du shah (1962) d'une part et la possibilité de chauffer les maisons au fioul (premier oléoduc desservant Téhéran en 1960) d'autre part expliquent le déplacement de la ville vers la montagne et l'abandon progressif de la ville ancienne. Avec la rente pétrolière, la spéculation immobilière fut à l'origine de la fortune de la nouvelle bourgeoisie. Le quartier du bazar, où arrivaient les très nombreux migrants des provinces, devint rapidement le centre du Téhéran populaire, tandis que le centre moderne des années 1930-1950 (avenues Shah, Nāderi, Ferdowsi) était abandonné par la population aisée, tout en conservant sa fonction administrative. Dans les années 1960-1970, le nouveau centre moderne était situé entre le boulevard Karim Khān Zend et l'avenue Takht-e Jamshid (Taleqāni), où se trouvait le siège social de la Société nationale iranienne des pétroles et l'ambassade américaine. En 1974, l'augmentation des prix du pétrole permit de lancer le projet d'un nouveau centre moderne international, le Shāhestan Pahlavi, sur 550 hectares d'anciens terrains militaires d'Abbas Abād, au centre-nord de la ville. Le projet futuriste, proposé par le bureau d'études britannique Llewelyn Davies International, fut vite abandonné, puis le site transformé en parc et centre religieux (mosallah). Depuis les années 1990, le centre moderne de Téhéran se trouve près des places Vanak et Argentine. En quittant, en 1962, le palais de Marbre au profit du nouveau palais de Niavārān, la famille royale avait confirmé cette nouvelle géographie sociale de la ville, qui a pour conséquence de très importants déplacements quotidiens de la population entre le nord résidentiel et les quartiers centraux où affluent également les habitants venus des nouvelles banlieues.
Le premier plan d'urbanisme de Téhéran, réalisé en 1969 par l'urbaniste américain Victor Gruen et l'architecte iranien Aziz Farmānfarmāiān, proposait de développer la ville vers l'ouest le long de l'Alborz, au nord de la nouvelle zone industrielle Téhéran-Karaj, pour éviter le blocage prévisible de l'axe nord-sud. Ce plan de vingt-cinq ans ne fut pas appliqué dans sa totalité. Dans l'espoir de limiter la taille de la capitale et les migrations, le gouvernement fixa arbitrairement les limites officielles de la ville à la rivière de Kan à l'ouest et à la ville de Rey au sud. Cela eut pour conséquence le développement des constructions illégales en dehors des limites et le développement anarchique de la ville, notamment lors de la révolution islamique.
Le plan d'urbanisme de transition réalisé en 1991 par des urbanistes iraniens fut refusé par le maire Gholam-Hossein Karbaschi (1988-1998), qui proposa un plan d'action ambitieux. Après une décennie d'abandon du fait de la révolution et de la guerre, Téhéran connut des transformations spectaculaires : relance des chantiers d'autoroutes intra-urbains, du métro et du gaz de ville, construction d'un réseau d'égouts et de collecte des eaux usées, multiplication de jardins publics et de centres culturels, notamment dans le sud de la ville qui fut rénové en priorité. Pour financer ces opérations, la municipalité vendit des permis de construire dérogatoires autorisant la construction de tours de bureaux ou de logements, dont la multiplication souvent anarchique a bouleversé le paysage et la société du centre et du nord de la capitale.
Depuis 1950,[...]
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Écrit par
- Bernard HOURCADE : directeur de recherche au CNRS
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Média
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