Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TEIXOBACTINE

Mode d’action de la teixobactine

Une des étapes importantes de la caractérisation d’un nouvel antibiotique est l’identification de sa cible, c’est-à-dire du constituant sur lequel il se fixe pour inhiber la croissance de la bactérie pathogène. Cette étape a d’abord reposé sur l’identification de la voie métabolique (ensemble de réactions chimiques) qui est inhibée par la teixobactine. Pour cette molécule, il ne s’agit pas de la synthèse des protéines, ni de celle de l’ADN ou de l’ARN. En effet, la teixobactine bloque, comme la pénicilline, la synthèse du peptidoglycane – un composant essentiel de la paroi bactérienne –, mais par un mécanisme radicalement différent : alors que la pénicilline se fixe à des enzymes responsables de la formation du peptidoglycane en mimant leur substrat, la teixobactine se fixe, elle, à un substrat de ces enzymes, l’intermédiaire lipidique II. Le mode d’action original de la teixobactine a deux conséquences potentiellement très importantes pour le développement d’un antibiotique : d’une part, les mécanismes développés par les bactéries pathogènes pour résister à la pénicilline et aux autres antibiotiques utilisés en thérapeutique sont inopérants vis-à-vis de la teixobactine ; d’autre part, la structure sur laquelle se fixe la teixobactine est très conservéedans le monde bactérien et il est donc peu probable que les bactéries puissent facilement la modifier pour acquérir une résistance. Ce mode d’action rappelle celui de la vancomycine, antibiotique qui a été utilisé avec succès pendant plus de vingt-cinq ans, de 1958 à 1984, avant l’émergence des premières résistances chez des souches pathogènes. Cependant, il n’existe à ce jour aucun antibiotique resté totalement indemne de problèmes de résistance, parfois parce que les bactéries pathogènes acquièrent les mécanismes de résistance qui leur permettent d’éviter de s’auto-intoxiquer avec les antibiotiques qu’elles produisent. Il est donc nécessaire de rester prudent quant à l’absence de résistance à la teixobactine dans le monde bactérien et quant aux chances de développement clinique de cette molécule, en particulier en raison de son éventuelle toxicité chez l’homme, qui n’a pas encore été évaluée. De plus, les mécanismes de résistance impliquant une altération du transport de la teixobactine n’ont pas encore été évalués. Malgré ces mises en garde, il est clair que le nouveau procédé de mise en culture ayant conduit à la découverte de la teixobactine et le mode d’action de ce composé sont prometteurs et innovants.

— Michel ARTHUR

Depuis la publication princeps de 2015, de nombreuses autres ont été consacrées à la teixobactine. Elles concernent la sensibilité de diverses bactéries à cet antibiotique, un très petit nombre d’essais sur l’animal (aucun sur l’homme) et une dominante de méthodes de synthèse chimique de l’antibiotique et d’analogues, permettant leur production en masse.

La technique d’isolement de bactéries du sol a permis quant à elle la caractérisation en 2023 de la clovibactine produite par des bactéries Eleftheria terrae ssp. Carolina. Sa structure a été déterminée ; son spectre d’activité est identique à celui de la teixobactine, mais son mode est différent puisqu’il implique sa fixation sur les lipides membranaires. Une technique voisine a été adaptée aux bactéries des milieux aquatiques. Ces méthodes de préculture in situ permettent d’envisager l’étude de bactéries des milieux naturels, sol et eau, qui restent largement inconnues.

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de recherche à l'INSERM, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification