TELL ES-SAKAN, site archéologique
L'établissement cananéen
Tell es-Sakan semble avoir été abandonné vers 3000 av. J.-C. ou peu après, probablement en même temps que les comptoirs égyptiens du sud-ouest de la Palestine, tous désertés à cette époque. Ce retrait égyptien est le signe d'une réorganisation générale des relations d'échange entre la vallée du Nil et les pays voisins, opérée au début du IIIe millénaire. À partir de la Ire dynastie, les Égyptiens renoncèrent à une présence coloniale en Palestine, préférant nouer des relations directes avec les chefs des cités-États levantines nouvellement constituées.
Le résultat des fouilles suggère que Tell es-Sakan est resté abandonné pendant quelques siècles. La réoccupation du site (niveau 5) ne semble pas antérieure au Bronze ancien III, vers 2600 av. J.-C. De nouvelles fortifications particulièrement puissantes furent alors construites. Il s'agit d'une forte muraille en brique crue (muraille C), édifiée sur les ruines de la muraille B. D'une épaisseur de 7,80 mètres, elle est conservée sur 4,60 mètres de hauteur, mais devait atteindre à l'origine une dizaine de mètres. Elle était précédée d'un glacis de brique crue d'environ 4 mètres de haut et 10 mètres de large. Ces fortifications imposantes, typiquement cananéennes, sont comparables à celles de plusieurs sites du Bronze ancien II-III.
Les fouilles des chantiers C et B ont révélé les vestiges de l'établissement urbain protégé par cette muraille. Au chantier C, une partie d'un quartier d'habitation du Bronze ancien III a été mise au jour, avec un ensemble de maisons en brique crue étroitement imbriquées. Les pièces comportent en général des banquettes intérieures adossées à un, deux ou même trois murs. Les installations domestiques (foyers, coffres, murets de partition, etc.) y sont fréquentes. Au chantier B, situé entre les chantiers A et C, les fouilles ont porté sur le niveau d'occupation le plus récent, immédiatement sous la surface du tell. On y a dégagé une ruelle qui dessine deux zigzags entre deux rangées d'habitations en brique crue, comprenant des chambres et des cours. Le mobilier archéologique découvert dans ces deux chantiers comprend des poteries, des instruments domestiques et des objets de parure, qui révèlent la culture matérielle en usage dans ce territoire frontalier de Canaan. Ses caractères trahissent à la fois un fort particularisme local et des liens étroits avec les sites de la Palestine intérieure. L'absence d'objets importés d'Égypte suggère qu'à cette époque la quasi-totalité des échanges égypto-levantins avaient lieu par la voie maritime et que la route terrestre, qui longe le littoral septentrional du Sinaï pour aboutir à Tell es-Sakan, n'était guère empruntée.
Cette refondation de Tell es-Sakan au Bronze ancien III est intervenue à l'occasion d'un mouvement d'urbanisation marqué par la fondation de plusieurs établissements au sud-ouest de la Palestine. La frontière de Canaan avança alors jusqu'à atteindre sa limite historique sur l'ouadi el-Arish, la « rivière d'Égypte » de la Bible. Centre politique de la région de Gaza, Tell es-Sakan constituait l'extrémité occidentale de cette chaîne d'établissements.
Le niveau dégagé au chantier B correspond à la dernière occupation du site, à la fin du Bronze ancien III, vers 2300 avant notre ère. Tell es-Sakan fut ensuite abandonné, de même que tous les établissements cananéens situés à l'ouest du Jourdain. Pendant la période suivante, dite Période intermédiaire ou Bronze ancien IV, la Palestine est retournée à des conditions d'organisation socio-économique moins complexes, marquées par la réapparition d'une économie agro-pastorale. La région de Tell es-Sakan était alors peuplée de pasteurs nomades, qui installèrent leur nécropole[...]
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Écrit par
- Pierre de MIROSCHEDJI : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du Centre de recherche français de Jérusalem
- Moain SADEQ : directeur du service des Antiquités de Gaza
Classification
Médias