TEMPÊTE CYTOKINIQUE
Le terme « cytokine » regroupe un ensemble hétérogène de petites protéines qui sont des signaux de communication entre cellules et des effecteurs, au sein du système immunitaire. Dans le cas le plus général, celui d’une réponse immunitaire d’évolution normale, leur production est strictement contrôlée. Cependant, il n’en est pas toujours ainsi : une tempête cytokinique correspond à la production démesurée de cytokines entraînant une violente réponse inflammatoire incontrôlée et un syndrome appelé choc cytokinique. Des lésions cellulaires et organiques graves voire irréversibles peuvent entraîner la mort si aucun traitement approprié n’est mis en place. L’expression « tempête cytokinique » a été utilisée pour la première fois en 1993 dans la maladie du greffon contre l’hôte (lors d’une greffe d’organe, les cellules contenues dans le greffon peuvent réagir contre l’hôte). Puis cette appellation a été à nouveau employée en 2002, dans le cas d’une inflammation du pancréas (pancréatite) et, en 2003, dans celui d’une inflammation du cerveau à la suite d’une infection par le virus de la grippe. Depuis, elle a été largement utilisée dans le cadre de plusieurs infections virales, notamment lors d’une infection par le virus de la grippe H5N1, du cytomégalovirus, du virus d’Epstein-Barr, ainsi que lors de l’infection par le coronavirus SARS-CoV-2 (pour severe acute respiratory syndrome coronavirus 2). Dans ce dernier cas, le choc cytokinique serait responsable de la majorité des décès. Enfin, les connaissances actuelles permettent de penser que le choc cytokinique a contribué à la plupart des décès chez les patients jeunes, lors de la pandémie de la grippe espagnole en 1918.
Bien que la tempête cytokinique puisse être parfois associée à une maladie (sclérose en plaques, pancréatite) ou à la prise de médicaments destinés à supprimer ou à activer le système immunitaire (lors de cancer ou après une greffe d’organe), elle fait surtout référence à la libération excessive de cytokines suite à une infection, virale le plus souvent.
Histoire naturelle d’une tempête cytokinique
En temps normal, lorsqu’un agent étranger entre dans le corps, le système immunitaire va éliminer l’intrus. Cette réponse immunitaire se déroule en trois phases. La première correspond à la mise en place d’une réponse inflammatoire à la suite de la reconnaissance de l’agent étranger par le système immunitaire inné. Suivent le recrutement de nombreuses cellules du système immunitaire et la présentation aux lymphocytes des antigènes des agents étrangers (allergènes, bactéries, virus…) par les cellules spécialisées (présentatrices d’antigènes). La deuxième étape consiste en l’activation et l’amplification de la réponse immunitaire adaptative des lymphocytes (anticorps et cellules cytotoxiques). Enfin, la troisième étape consiste en l’élimination de l’agent étranger par différents mécanismes, l’arrêt de la réponse inflammatoire et le retour à une situation normale.
Cette réponse immunitaire est extrêmement régulée, et les différents acteurs cellulaires communiquent, soit par contacts directs, soit indirectement via les médiateurs solubles que sont les cytokines. Cependant, bien que la réaction de défense démarre de manière normale, sans qu’on sache vraiment pourquoi, il arrive qu’elle ne soit pas stoppée par les mécanismes de régulation et qu’elle s'emballe, mettant en place une réponse inflammatoire aberrante. Au cours de cette poursuite de l’inflammation, que celle-ci soit locale – méningite, péritonite (cavité abdominale) et pancréatite – ou généralisée – septicémie –, une très grande quantité de cytokines inflammatoires est produite, ce qui caractérise la tempête cytokinique. Ces cytokines se déversent rapidement dans le sang, entraînant une chute du taux d’oxygénation du sang et donc des tissus,[...]
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Écrit par
- Emmanuelle SIDOT : docteure, postdoctorante, Kennedy Institute, Oxford University, Oxford (Royaume-uni)
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