TEMPÊTE CYTOKINIQUE
Tempête cytokinique et infection virale
La tempête de cytokines est un phénomène très complexe, encore insuffisamment connu, et qui implique une grande variété de molécules produites par une grande variété de cellules de nature différente. Du fait de son importance clinique, la tempête cytokinique provoquée par le virus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19 (pour coronavirusdisease 2019), a été particulièrement étudiée. Dans ce cas, le virus s’introduit dans les cellules en utilisant un récepteur spécifique que l’on appelle ACE2 (pour angiotensin-converting enzyme 2). Ce récepteur est présent au niveau d’un grand nombre de cellules différentes et joue un rôle important dans la régulation du fonctionnement du cœur et des reins à travers le contrôle de la volémie et de la pression artérielle. En utilisant ce récepteur, le virus pénètre dans un premier temps dans les cellules des muqueuses qui tapissent le nez, la bouche et les yeux. Il va ainsi se multiplier et infecter les cellules voisines. Dans un second temps, il se propage le long des voies respiratoires supérieures (fosses nasales, pharynx et larynx) et inférieures (trachée, bronches, bronchioles et alvéoles). Il s’introduit dans les cellules épithéliales alvéolaires de type 1 et de type 2, conduisant à la production de cytokines inflammatoires et au recrutement local de macrophages alvéolaires. Cette réaction permet, en temps normal, d’activer la réponse immune adaptative et de neutraliser le virus.
Dans certains cas, pour des raisons qui nous sont encore mal connues, mais probablement liées à une dysfonction des interférons de type I, molécules impliquées dans la défense contre les virus, le virus n’est pas neutralisé et il continue de se propager et d’infecter d’autres cellules. Les parois des alvéoles pulmonaires sont « poreuses » et entourées de vaisseaux sanguins avec lesquels s’effectuent les échanges gazeux. Les cellules endothéliales qui tapissent la paroi de ces vaisseaux sanguins aident à réguler la pression sanguine, à prévenir l’inflammation et à inhiber la coagulation grâce à la production continue de messagers chimiques, notamment l’oxyde nitrique. La juxtaposition des vaisseaux sanguins avec les alvéoles pulmonaires facilite le passage du virus dans les cellules endothéliales. Ainsi infectées, ces cellules sont activées et produisent de manière incontrôlée et pathologique de nombreuses molécules, ce qui se traduit par :
– une production de cytokines et une augmentation de la réaction inflammatoire. Cet afflux massif de cytokines entraîne le recrutement de cellules immunitaires, telles que les neutrophiles et les cellules mononucléaires (monocytes et macrophages), qui vont soutenir l’inflammation en continuant de produire d’autres cytokines et des médiateurs toxiques ;
– une production de facteurs de la coagulation sanguine (thrombine, facteur de von Willebrand, facteur VIII) aboutissant à la conversion du fibrinogène sanguin en filaments de fibrine, et ainsi à l’adhérence des plaquettes sanguines au niveau des cellules endothéliales. Ces filaments emprisonnent les globules rouges et les plaquettes en agrégats, formant un maillage serré qui, sous l’action d’autres facteurs de coagulation, se transforme en caillot sanguin. Un mécanisme de décomposition du caillot dégrade ensuite la fibrine, entraînant la formation de D-dimère. En clinique, la détection de D-dimère représente donc un marqueur biologique associé à la sévérité de l’infection au SARS-CoV-2 ;
– une fixation du virus sur son récepteur ACE2, ce qui altère la capacité des cellules endothéliales à maintenir un équilibre entre vasoconstriction et vasodilatation, provoquant la contraction et la diminution du diamètre des vaisseaux et donc du débit sanguin (vasoconstriction) ;
– une perte d’activité du récepteur ACE2, la présence d’un[...]
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Écrit par
- Emmanuelle SIDOT : docteure, postdoctorante, Kennedy Institute, Oxford University, Oxford (Royaume-uni)
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