NUBIE TEMPLES DE
L'un des témoignages les plus éclatants de la grandeur de la civilisation égyptienne consistait, jusqu'en 1970, dans la présence en Nubie, tout au long de la vallée du Nil, de grands temples pharaoniques. La construction du haut barrage d'Assouan (Sadd al-‘Ali) en a submergé l'emplacement sous les flots de l'immense lac Nasser. Au prix d'efforts gigantesques, les principaux monuments ont été démontés et reconstitués hors de la portée des eaux ; certains ont été donnés à des pays étrangers qui avaient participé à la campagne archéologique internationale menée à l'appel de l'UNESCO.
Une colonie égyptienne
Ayant remonté la vallée du Nil dès l'Ancien Empire (à partir de 3000 av. J.-C.), les Égyptiens se sont installés au cours du Moyen Empire entre la première et la deuxième cataracte, c'est-à-dire en basse Nubie. Mais c'est seulement avec le début du Nouvel Empire (1580 av. J.-C.) que les pharaons, ayant vaincu le royaume de Koush (Kerma), établirent un empire colonial s'étendant jusqu'à la lointaine quatrième cataracte. Durant toute cette période, ils fondèrent, tout au long du Nil, des cités coloniales, marquées par des temples consacrés à leurs dieux. À partir de Thoutmosis Ier et surtout Thoutmosis III (1504-1450), c'est toute la lignée des glorieux pharaons du Nouvel Empire dont on trouve les noms en Nubie : Aménophis III (1408-1371), Akhénaton lui-même, le roi hérétique (temple de Sésébi, pylône de Soleb), Toutankhamon (temple de Kawa) et le grand Ramsès II (1290-1224) en particulier. Celui-ci développa une série de temples rupestres, enfoncés plus ou moins totalement dans la falaise du Nil. Ce sont les spéos (temples souterrains) ou hémi-spéos de Beit el-Ouali, Gerf Hussein, Ouadi es-Seboua, Derr et Abou Simbel, ainsi que les deux petites chapelles de Qasr Ibrim et de Faras. Sans doute faut-il voir là le développement, selon une échelle fastueuse, de ces petites chapelles rupestres bien plus modestes qui, depuis l'époque de la reine Hatchepsout et de Thoutmosis III, avaient été creusées en des points précis du cours du Nil, telles les chapelles du Gebel Dosha et d'Elleseya.
Après trois siècles de total effacement, le réveil de Koush et de la Nubie avec la puissante XXVe dynastie dite éthiopienne (715-656) entraîna de nouvelles constructions : fondation de Peye (Piankhy) au Gebel Barkal, de Taharqa (Sanam, Gebel Barkal, Kawa, Tabo, Semna-Ouest). Lorsque les Éthiopiens se furent retirés d'Égypte, ils continuèrent à construire « à l'égyptienne », en particulier dans leur capitale de Napata, au pied de la montagne sainte du Gebel Barkal puis, beaucoup plus au sud, à Méroé.
Dans la marche frontière qu'était devenu l'extrême nord de la basse Nubie, peu avant l'ère chrétienne, plusieurs temples furent édifiés, en particulier Kalabsha en l'honneur d'un dieu local, Mandoulis. Cependant toute cette zone était plus spécialement consacrée à la déesse Isis. Le centre de culte de celle-ci était l'île de Philae où une brillante floraison de sanctuaires se développa à partir des Nectanébo (XXXe dynastie). On y lit le nom des Ptolémées et d'Auguste, puis celui de Trajan. Le culte de la déesse s'y maintint jusque sous Justinien, quand tout l'Empire était devenu depuis longtemps chrétien.
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Écrit par
- Jean LECLANT : secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
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