TEMPO
Tempo réel et tempo subjectif
Le tempo, dans sa réalisation comme dans ses effets, est en relation étroite avec un élément humain corporel : technique de l'exécutant, pas du danseur, battue du chef d'orchestre. La battue possible ne dépasse guère cent trente-deux à la minute, au-dessus on bat un multiple de l'unité. Un tempo moyen a été situé aux environs de 76/80 à la noire, et rapproché de l'allure de l'homme marchant. Les variations du tempo accentuent considérablement l'impact psychologique et physique du rythme.
La justesse dans le tempo et ses variations est un des éléments déterminants pour la qualité d'une interprétation musicale. Il semblerait que le mouvement métronomique, en donnant un nombre de battues à la minute, résolve la question avec précision ; mais d'une part l'amplitude des variations progressives de tempo n'est pas toujours mesurable au métronome ; le rubato et le temps libre lui échappent par principe ; d'autre part le compositeur qui écrit une œuvre a une conception abstraite de son déroulement temporel ; l'exécutant assure la réalisation concrète de l'œuvre ; son rythme propre va interférer, dans le déroulement temporel, avec la conception du compositeur. Le bon tempo, pour l'exécution d'une même œuvre, peut varier selon l'interprète, et il semble que la justesse, dans ce domaine, soit atteinte lorsque se rencontrent harmonieusement la conception temporelle du compositeur et la façon dont l'interprète la ressent. Cet équilibre, subjectif et fragile, est pourtant d'une extrême importance dans l'interprétation. Même s'ils emploient les mouvements métronomiques, les compositeurs le savent bien ; Schumann écrit : « La mesure innée du mouvement est le seul déterminant. » Schönberg précise, dans la préface du Quatrième Quatuor à cordes : « Les indications métronomiques ne doivent pas être prises littéralement ; elles donnent seulement une suggestion du tempo. »
La marge d'imprécision est évidemment plus grande en l'absence de tempi métronomiques. Le caractère d'une musique, ses proportions, son expression sont tellement liés au déroulement temporel que, très fréquemment, le terme désignant le tempo soit exprime aussi le caractère du morceau, soit est accompagné d'une indication d'expression ; on voit la marge laissée à l'interprète par de telles notions, subjectives et non mesurables. Le juste mouvement d'exécution d'une œuvre dépend du sens musical, du goût, de la mesure de l'interprète.
A. Guttmann, étudiant les variations du tempo dans les interprétations de chefs d' orchestre allemands, fait les observations suivantes : 1o Le tempo inhérent à une pièce est plus fort que le tempérament d'un chef ; si c'est le tempérament qui domine dans l'interprétation, la pièce apparaît en distorsion ; 2o Le tempo individuel d'un chef change d'exécution en exécution, mais la différence est beaucoup moindre qu'entre chefs lents et chefs rapides de tempérament. La plus grande variabilité enregistrée dans les exécutions d'un même ouvrage par un même chef était de 20 p. 100, dans la Cinquième Symphonie de Beethoven dirigée par Richard Strauss, alors que le même ouvrage dirigé par des chefs différents, Siegfried-Idyll de Wagner, donnait 32 p. 100 de variabilité.
On pourrait signaler, en passant, que, suivant le volume et l'acoustique du local où telle page de musique résonne, le tempo supportera des variations : ainsi la même œuvre d'orgue exécutée à Notre-Dame de Paris sur le grand plein-jeu aura avantage à être prise dans un mouvement plus lent que si elle est jouée sur le petit plein-jeu d'un positif d'appartement.
L'œuvre musicale, avec sa conception abstraite et son incarnation dans le temps[...]
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Écrit par
- Nicole LACHARTRE : compositeur, fondatrice et directrice artistique de l'Association pour la collaboration des interprètes et compositeurs
Classification
Média
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