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TEMPS / MÉMOIRE (notions de base)

Le temps est ce dont chacun d’entre nous ne cesse de faire l’expérience, de la naissance à la mort. Des premiers écrits de l’humanité jusqu’à la littérature contemporaine, en passant par les poètes de la Renaissance, Ronsard (1524-1585) et sa rose, dont la beauté « ne dure que du matin jusques au soir », la fuite du temps n’a cessé d’occuper une place majeure au sein d’une culture occidentale animée par la révolte de l’homme devant l’éphémère.

« Ô temps suspends ton vol ! » : l’apostrophe d’Alphonse de Lamartine (1790-1869), dans le célèbre poème de ses Méditations poétiques (1820) « Le lac », symbolise peut-être mieux que toute autre parole le désir illusoire d’une pause de l’écoulement universel. Seul un individu atteint d’une amnésie totale vivrait dans un instant perpétuel et ne serait jamais confronté à la fuite des jours. Faudrait-il pour autant envier sa condition ? Sans doute pas, car un tel individu étranger à la temporalité aurait perdu du même coup, avec l’anéantissement de sa mémoire, son identité et tous ses repères.

Alors que l’espace semble d’emblée plus difficile à concevoir, parce qu’il nous a fallu, pour l’appréhender, construire des échafaudages mathématiques fort complexes, le temps se présente à nous comme la chose la plus évidente qui soit, comme ce qu’il est superflu de définir tant l’expérience que nous en avons relève de l’évidence la plus incontestable.

Mais, paradoxalement, sitôt que nous nous éloignons de la sensation immédiate du temps pour tenter de le penser dans sa vraie nature, il nous échappe. Il devient même l’une des notions philosophiques les plus mystérieuses, si bien que l'on compte sur les doigts de la main les philosophes qui ont osé en élaborer une conception approfondie.

L’énigme du temps

Il est si peu d’exemples, dans toute l’histoire de la philosophie, d’un penseur ayant marqué à ce point une notion que ne pas commencer par lui paraîtrait inconsidéré : tel est le cas d’Augustin d’Hippone (354-430) quand on aborde la question du temps.

« Qu’est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais ; dès qu’il s’agit de l’expliquer, je ne sais plus » ( Confessions, livre XI, xiv). La conscience immédiate du temps perçoit intuitivement qu’il est composé de trois dimensions : passé, présent, avenir. Mais l’étrangeté du temps tient à ce que ces trois dimensions sont aussi irréelles les unes que les autres. Le passé n’est plus, le futur n’est pas encore, le présent n’a pas l’épaisseur d’un cheveu.

En effet, sitôt l’instant présent apparu, il s’évanouit dans le néant pour ne plus jamais réapparaître. Et si l’on peut trouver des traces du passé, elles ne sont jamais que les traces présentes du passé. Ainsi, quand un paléontologue retrouve les ossements d’un diplodocus, il n’est pas précipité à l’ère tertiaire. C’est aujourd’hui, au xxie siècle, qu’il découvre et analyse ces ossements et construit des hypothèses à leur sujet.

Quant au futur, il n’a encore aucune réalité. Nous sommes condamnés à attendre qu’il devienne présent pour l’appréhender. D’où les constantes erreurs des hommes chaque fois qu’ils se sont risqués à prophétiser ce qui était censé advenir. Comme le remarque le philosophe empiriste David Hume (1711-1776), rien ne me garantit que le soleil se lève demain, rien ne me garantit qu’il y ait encore demain matin un monde. Penser qu’un avenir existe en avant de nous relève de la croyance et non de la connaissance.

Reste donc le présent, seule dimension du temps qui semble avoir une réalité indiscutable. Mais qu’est-ce que le présent ? La seconde ? Le centième de seconde ? Le milliardième de seconde ? Comme l’a démontré Zénon d’Élée (490-430 av. J.-C.), diviser un segment de droite ou un fragment du temps est une opération[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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