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TEMPS PRÉSENT, notion de

Le temps présent, comme objet d'histoire, désigne la période historique dont les témoins vivants peuvent encore rendre compte.

Une histoire très ancienne et longtemps proscrite

En Occident, l'histoire du temps présent est très ancienne. Au ve siècle avant J.-C., Hérodote rend compte de faits très proches de lui, et son enquête repose sur ce qu'il a vu de ses propres yeux. Thucydide écrit au présent puisque, dans le cours même de l'événement, il conçoit le premier la guerre du Péloponnèse comme un tout. Les chroniqueurs médiévaux ou Jules Michelet avec Le Peuple (1846) font de l'histoire du temps présent, comme Monsieur Jourdain de la prose. Si cette appellation fait aujourd'hui figure de nouveauté, cela tient à l'institutionnalisation de la discipline historique au xixe siècle.

En France, un rapport au ministre Victor Duruy sur l'état des études historiques dans le pays (1867) affirme que le passé appartient à l'histoire, le présent à la politique et l'avenir à Dieu. Charles Seignobos justifie autrement l'ostracisme à l'égard de l'histoire du présent. À ses yeux, ce n'est pas le caractère présent ou passé qui définit le fait historique, puisque le fait présent d'aujourd'hui est un fait passé pour demain, c'est le mode de la connaissance (La Méthode historique appliquée aux sciences sociales, 1901) : « Est historique tout fait qu'on ne peut plus observer directement parce qu'il a cessé d'exister. Il n'y a pas de caractère historique inhérent aux faits, il n'y a d'historique que la façon de les connaître. » Le présent ne peut donc être objet d'histoire puisqu'il est directement connaissable. Le raisonnement est imparable : si l'histoire s'écrit avec des documents, l'impossibilité d'accéder à ceux-ci devient une impossibilité d'écrire l'histoire. À cette carence fondamentale s'ajoutent le manque d'exhaustivité de l'information et la subjectivité, fruit du manque de distance. Pourtant, les historiens méthodiques violent parfois sans vergogne leurs propres principes : le dernier volume de l'Histoire de la France contemporaine paru en 1920, sous la direction de Seignobos, se clôt par la Grande Guerre. En vérité, il faut attendre les historiens méthodiques de l'entre-deux-guerres pour que cet interdit devienne une règle intangible des études historiques. Les Annales la prolongent sans doute parce que le présent, perçu dans le temps court et axé sur la politique, paraît condamné à l'histoire événementielle.

Quand François Bédarida prend, en 1978, la direction du nouveau laboratoire du CNRS dénommé Institut d'histoire du temps présent (IHTP), la nouvelle histoire dont il est question est d'abord le fruit d'un choix terminologique. Contre l'histoire immédiate qui écrase le temps (Jean Lacouture, in Jacques Le Goff dir., Dictionnaire de la nouvelle histoire, 1978), contre la notion d'histoire contemporaine, démonétisée par son immobilisme (elle débute toujours en 1789), l'histoire du temps présent se définit progressivement par ses spécificités temporelles. Certains auteurs restent attachés à la recherche d'un moment fondateur du temps présent : l'année 1917, Auschwitz, la Seconde Guerre mondiale dans son ensemble. D'autres songeront très vite à clore la période autour de la fin du communisme, elle-même symbolisée par la chute du Mur de Berlin. Cependant, la réflexion sur la spécificité d'une histoire du temps présent incite à considérer celui-ci comme une période en mouvement dont les limites se déplacent constamment.

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Écrit par

  • : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II

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