WILLIAMS TENNESSEE (1911-1983)
Tennessee Williams est, avec Arthur Miller, l'une des deux figures qui émergent le plus nettement du théâtre américain contemporain. Ils prennent tous deux la relève d'Eugene O'Neill, assurent le pont entre la génération des années 1930 (Clifford Odets, Maxwell Anderson, Elmer Rice, Thornton Wilder) et celle de l'après-guerre. Tous deux ont un répertoire qui continue à faire les beaux jours des scènes américaines. Ils ont reçu la consécration internationale d'une vaste orchestration cinématographique de leurs œuvres, et bénéficié du talent du metteur en scène Elia Kazan. Mais on n'associe leurs noms que pour mieux les opposer. En face de Miller le marxiste, le dénonciateur et la victime du maccarthysme, l'homme du présent et de l'action militante, Tennessee Williams est présenté comme le freudien, l'homme de la nostalgie et du rêve, qui s'adresse à l'imaginaire collectif par le biais des images et des mythes. On oppose aussi l'homme du Nord à l'homme du Sud, on va jusqu'à dire le Scandinave et le Méditerranéen. Voilà qui indique en tout cas une polarité, même s'il y a là une simplification excessive. Peut-être Tennessee Williams mérite-t-il le titre de « Méditerranéen » en raison de sa prédilection pour l'Italie, une Italie terre des grands mythes, mais aussi une Italie sensuelle, capiteuse, telle que peut se la représenter un Américain élevé dans le puritanisme. Car les polarités, les oppositions, nous les trouvons à l'intérieur même de la personnalité de Williams, et de sa réputation. Comment se fait-il, en particulier, qu'il continue d'exercer, aujourd'hui encore, une si forte fascination, alors qu'il a pratiqué une forme de théâtre qu'on peut estimer dépassée, voire conventionnelle, en regard des expérimentations new-yorkaises des années 1960 ? Ne peut-on pas dire que cet homme de théâtre a dû en partie sa chance à tous les merveilleux interprètes de cinéma qui ont su donner une présence, un poids d'évidence, une force poétique à un univers qui aurait pu, sinon, paraître artificiel ou naïf, ou trop lourdement chargé de symboles ? Parmi les pièces, ou les films, qui auront le plus certainement assuré son succès, citons Un tramway nommé Désir (A Streetcar Named Desire), qui mettait aux prises Vivien Leigh dans le rôle de Blanche Dubois et Marlon Brando dans celui de Stanley Kowalski son beau-frère ; La Rose tatouée (The Rose Tatoo), où, face à Burt Lancaster, Anna Magnani était une Sicilienne plus vraie que nature ; Baby Doll, écrit directement pour le cinéma, et qui rendit célèbre Carroll Baker dans un rôle de femme-enfant ; La Chatte sur un toit brûlant (Cat on a Hot Tin Roof), qui opposait Elizabeth Taylor à Paul Newman dans une riche plantation du Mississippi ; Soudain l'été dernier (Suddenly Last Summer), où Katherine Hepburn était une sublime mère abusive ; enfin La Nuit de l'iguane (The Night of the Iguana), inséparable dans nos mémoires de la présence troublante d'Ava Gardner et de Richard Burton.
Le monde de Tennessee Williams, ce sont avant tout ces hommes et ces femmes qui, au-delà ou en deçà de la psychologie traditionnelle, se désirent et se haïssent, parfois sans le savoir, toujours sans le vouloir, et s'entre-déchirent dans une atmosphère élégante et tragique où, sous le raffinement, rôde la sauvagerie. Ce sont ces costumes blanc immaculé et ces corps qui transpirent, les glaçons qui tintent et l'alcoolisme qui opère ses ravages. Ce sont ces personnages simplifiés comme le sont les héros des westerns et ceux des grandes tragédies, ces figures inséparables d'un décor qui les cerne et qui est comme le signe de leur destin. C'est un climat d'oppression quasi atmosphérique, un climat lourd d'avant l'orage, où les odeurs entêtantes s'entremêlent avec les cris stridents des oiseaux[...]
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Écrit par
- Marie-Claire PASQUIER : maître assistante à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
Classification
Médias
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