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WILLIAMS TENNESSEE (1911-1983)

De l'image obsessionnelle à l'écriture théâtrale

Cette qualité visuelle de sa dramaturgie explique l'aisance avec laquelle elle se prête à l'adaptation cinématographique. Notons toutefois que la vision passe souvent par le relais du langage, et que le jeu dramatique consiste en des correspondances entre la narration et l'image scénique ; comme si Williams procédait à la mise en drame d'un récit proprement romanesque, d'une projection de son imagination. Dès le titre, parfois, apparaît la métaphore centrale sur laquelle est bâtie la pièce, « rose tatouée », « chatte sur un toit brûlant », ou « doux oiseau de jeunesse ». À partir de là, des liens se tissent en tous sens entre les mots et les choses. Ainsi, dans La Rose tatouée : entre le nom de Serafina delle Rose, celui de sa fille Rosa, ce tatouage sur la poitrine de son mari, qu'elle sent brûler sur son propre sein quand elle conçoit un enfant, celui que le deuxième homme se fait faire pour lui plaire, la chemise de soie rose que le chœur des femmes, dans la scène finale, fera passer de main en main comme une traînée de flammes sur la pente sèche de la colline. Symbole féminin de la rose qui circule de la femme à l'homme. Ainsi, dans Soudain l'été dernier, l'épisode de l'archipel des Galapagos, avec, sur le volcan éteint, la lutte contre la mort des bébés tortues de mer : toute la plage, couleur de caviar, qui avance vers la mer pendant que le ciel, noir lui aussi, bouge et que les oiseaux carnivores se précipitent pour dévorer les bébés tortues.

Elizabeth Taylor et Montgomery Clift - crédits : 1960 Columbia Pictures Corporation/ Collection privée

Elizabeth Taylor et Montgomery Clift

L'obsession majeure de Tennessee Williams, s'il y en a une, c'est peut-être la fuite du temps. « L'ennemi, le temps, en chacun de nous », thème et phrase finale de Doux Oiseau de jeunesse (Sweet Bird of Youth), se retrouve, sous une forme ou sous une autre, dans chacune de ses pièces. Vouloir arrêter le temps est l'une des motivations de l'artiste : le théâtre est différent de la vie, il condense. Comme la méditation, le tragique suspend l'instant. Lieu clos, la scène est aussi un temps clos où les événements gardent leur statut d'événements. Mais l'instant suspendu peut être un passé ressuscité. Une pièce peut s'intituler Soudain l'été dernier ; La Ménagerie de verre peut être appelée par son auteur une « pièce de la mémoire », tout étant vu à travers le prisme du souvenir. Nostalgie et peur de l'avenir vont de pair chez les personnages de Williams. Ruines ou monuments de ce qui fut, ils doivent survivre à leur jeunesse, à leur beauté, et la seule initiative qui leur reste est de hâter leur destruction par la drogue ou la passion. Les hommes de Williams vieillissent mieux que ses femmes. Il les prend de préférence vers la trentaine, quand leur beauté reste entière, mais que la force dévastatrice qui est en eux rend plus déchirant, plus désirable ce qui va disparaître. C'est Chance dans Doux Oiseau ou Brick dans La Chatte sur un toit brûlant (1955). Le charme de Brick tient à une qualité de détachement. Faire l'amour n'engendre chez lui aucune anxiété, mais l'indifférence courtoise et la nonchalance. Les hommes sont des créatures magnifiques, de souples animaux couvés par le regard des femmes, rendues folles quand ils ne veulent plus d'elles, comme ces chattes qui ne savent où poser les pattes sur un toit de zinc chauffé à blanc par le soleil. Les femmes deviennent alors dures, malades, ruinées, cassantes comme le verre, dominatrices et impuissantes. Mais chez les hommes aussi, la mort rôde, la mort brutale, comme au cinéma, ou la mort insidieuse de la maladie, ou bien encore la mort au calvaire, le calvaire où nous mènent ces passions inexplicables contre lesquelles nous nous débattons en vain. La rétribution finale est toujours juste et hors de toute proportion, comme dans la tragédie antique. Dans [...]

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Médias

Tennessee Williams en 1970 - crédits : Evening Standard/ Hulton Archive/ Getty Images

Tennessee Williams en 1970

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Un tramway nommé désir de T. Williams, mise en scène de Lee Breuer

Elizabeth Taylor et Montgomery Clift - crédits : 1960 Columbia Pictures Corporation/ Collection privée

Elizabeth Taylor et Montgomery Clift

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