TÉRATOMES ET TÉRATOCARCINOMES
Les tératomes sont des tumeurs constituées d'un assemblage de tissus histologiques différenciés, adultes ou embryonnaires. Ces tissus ne sont pas organisés comme dans un embryon normal, mais sont, séparément, parfaitement normaux. Dans la tumeur, peuvent ainsi cohabiter des éléments de peau, des dents, du tissu nerveux, des ébauches hépatiques, etc. On distingue classiquement les tératomes des gonades (testiculaires et ovariens) dérivés des cellules souches normales des gamètes, et les tératomes sacro-coccygiens, localisés dans la partie dorsale de l'abdomen et qui sont une sorte de jumeau intérieur désorganisé du sujet qui l'héberge. Ces derniers tératomes, du fait de la multiplicité des types tissulaires qu'ils contiennent, dérivent également de cellules souches, soit bloquées dans leur migration embryonnaire, soit appartenant à un embryon « égaré ». On appelle tératocarcinomes des formes malignes de tératomes qui contiennent, en plus des tissus différenciés, des cellules indifférenciées fonctionnant comme cellules souches embryonnaires génératrices des tissus différenciés.
Biologie expérimentale des embryons
Ce sont précisément ces cellules capables de toutes différenciations (totipotentes) qui ont attiré l'attention des biologistes à partir des années 1960. En effet, si les tératomes ont été décrits par les médecins vers 1890, leur étude expérimentale débute vers 1955 lorsque LeRoy Stevens, chercheur au Jackson Laboratory dans le Maine (États-Unis), caractérise une souche de souris qui développe un tératocarcinome testiculaire à haute fréquence. La tumeur est transplantable de souris à souris et contient des cellules embryonnaires totipotentes. Ces cellules ont été isolées en Grande-Bretagne et en France (B. Ephrussi et F. Jacob), cultivées in vitro avec l'idée qu'elles serviront comme système modèle pour l'étude des étapes précoces du développement embryonnaire de la souris. Ces cellules, appelées EC (embryonal cells), ont de nombreuses propriétés en commun avec l'embryon avant son implantation dans la paroi utérine. Mais ce système modèle, trop instable et trop complexe, ne tient pas ses promesses. En revanche, il donne naissance, tout particulièrement en Grande-Bretagne et aux États-Unis, à la saga des cellules souches embryonnaires, sur lesquelles la médecine fonde de grands espoirs. Certaines lignées d'EC, réintroduites dans un embryon normal, peuvent participer à la construction de l'organisme. La fréquence de réussites est basse. Dans la recherche de cellules plus utilisables, on arrive à mettre en culture et à conserver des cellules dérivées d'un embryon préimplantatoire. Ces cellules, appelées ES (embryonal stem cells), contribuent efficacement à un embryon ; ce sont elles qui servent à construire des souris dans lesquelles tel gène a été inactivé avec une grande précision et non pas au hasard comme dans la mutagenèse. Ces souris sont d'importants modèles animaux de maladies humaines et de manière générale sont devenues des outils fondamentaux en biologie expérimentale. Des lignées d'ES peuvent être établies à partir d'embryons préimplantatoires de n'importe quelle espèce de mammifère, y compris l'homme ; c'est un des enjeux des lois sur la manipulation d'embryons humains.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Média