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DAVIES TERENCE (1945-2023)

Le cinéaste Terence Davies, né le 10 novembre 1945, est une « découverte » des années 1980. Originaire de Liverpool, il a consacré ses premiers films, trois courts-métrages et deux longs-métrages, à un travail de reconstitution autobiographique, un peu comme l'avait fait avant lui l'Écossais Bill Douglas. C'est grâce à la politique d'encouragement à des œuvres originales alors menée par le British Film Institute Production Board qu'il a pu mettre en œuvre ses projets, avec des budgets modestes.

Terence Davies est un explorateur de la mémoire. Mémoire des lieux, mémoire des émotions, mémoire du non-dit, mémoire portée par des images ou par des chansons. Ses films, ses deux premiers longs-métrages surtout, des « recherches du temps perdu ». Ce qui ne veut pas dire que le metteur en scène se perde dans le psychologisme et ignore le contexte social. Tout au contraire. « Le cinéma en général, et le cinéma britannique en particulier, dit-il, est fait par des bourgeois... Les gens originaires du prolétariat, comme moi-même, quand ils veulent travailler dans le cinéma, deviennent acteurs, scénaristes ou techniciens, pratiquement jamais réalisateurs... Les fameux Jeunes Gens en colère du Free Cinema étaient tous des bourgeois !... »

Terence Davies a quitté l'école à l'âge de quinze ans pour gagner sa vie comme employé de bureau. En 1972, il s'inscrit dans un cours d'art dramatique à Coventry. Son premier scénario, Children, est primé par le British Film Institute. Puis Davies suit les cours de la National Film School à Londres, et tourne deux autres films courts, Madonna and Child ainsi que Death and Transfiguration. Il y dévoile une personnalité marquée par son éducation religieuse catholique et par la découverte de son homosexualité. Ces films composent une âpre trilogie qui suscite l'éloge de la critique.

En passant au long métrage (toujours avec l'appui du BFI, auquel se joignent deux chaînes de télévision culturelles, la britannique Channel Four et l'allemande ZDF), Terence Davies va toucher un public plus large avec Distant Voices, Still Lives (1988), puis avec The Long Day Closes (1991). Les scénarios de ces deux films puisent dans les souvenirs d'une histoire familiale particulièrement douloureuse. « S'il n'y avait pas eu souffrance, il n'y aurait pas eu de film ! », explique-t-il. Distant Voices, Still Lives est aussi l'occasion de découvrir dans le rôle du père, effrayant tyran domestique, un remarquable comédien : Pete Postlethwaite.

Avec ces œuvres, Terence Davies parvient à reconstituer sous nos yeux le Liverpool de sa jeunesse. Une époque et une société disparues, un environnement populaire et un imaginaire culturel particulier, où la chanson et le cinéma (surtout le cinéma américain) occupent une grande place. « Quand j'étais enfant, il y avait huit cinémas dans mon quartier. J'adorais ça : c'était un monde où je voulais entrer. J'y allais tous les soirs. Parfois, un film anglais était jugé suffisamment bon pour être le « grand » film. C'était merveilleux !... J'adorais la comédie, Alastair Sim et Margaret Rutherford, et tout le monde les aimait dans les milieux ouvriers car ils avaient une qualité comique bien à eux. »

Malheureusement boudé par le public et largement sous-estimé par une part de la critique, The Long Day Closes est l'un des films les plus tranquillement audacieux de cette période. Terence Davies y réussit ce tour de force : une œuvre de cinéma où le récit et l'émotion se construisent entièrement de manière musicale. Le cinéaste peint des états d'âme, en supprimant les habituels recours à la narration et à la dramaturgie traditionnelles.

En 1995, avec The Neon Bible (avec Gena Rowlands, d'après l'œuvre de John Kennedy Toole, auteur de La Conjuration[...]

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Écrit par

  • : réalisateur, fondateur et président de l'Agence du court-métrage, Paris

Classification

Autres références

  • OF TIME AND THE CITY (T. Davies)

    • Écrit par
    • 980 mots

    Un film documentaire ? Un essai ? Un pamphlet ? Un poème ? Une confession ? Une rêverie ? Un testament ? Of Time and the City, que Terence Davies signe en 2008, année où la ville de Liverpool est « capitale européenne de la culture », est tout cela à la fois. De fait l'œuvre du cinéaste...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par , et
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...(1994), meilleure adaptation du chef-d'œuvre de Mary Shelley. Dans un tout autre registre, qui fait rimer cinéma, tableau vivant et chanson populaire, Terence Davies, né en 1945, a réalisé l'un des films les plus enthousiasmants de l'histoire du cinéma, en racontant l'histoire de sa propre famille à Liverpool...