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ÉCHANGE TERMES DE L'

Une notion ambiguë

L'amélioration des termes de l'échange est généralement considérée comme favorable. Dans la pratique, les diagnostics sont plus complexes.

La littérature économique fait volontiers état d'une dégradation tendancielle des termes de l'échange dans les pays en développement (P.E.D.).

D'après Raùl Prebish et Hans Singer (1950), les gains de productivité se traduiraient, dans les pays industriels, par l'augmentation des salaires, alors que, dans les P.E.D., ils provoqueraient la chute des prix. De même, les auteurs marxistes de l'« échange inégal », comme Arghiri Emmanuel, ont évoqué un transfert de plus-value de la « périphérie » (P.E.D.) vers le « centre » (pays industrialisés). Ils en ont conclu qu'une spécialisation des P.E.D., fondée sur l'exportation des produits de base et l'importation des produits industriels, les condamnait à une dégradation chronique de leurs termes de l'échange.

Les économistes qui concluent à la dégradation des termes de l'échange dans les P.E.D. réduisent souvent celle-ci à la dégradation des termes de l'échange des produits primaires ou de base (agriculture, minerais, combustibles, etc.). Depuis le xixe siècle, le prix réel des biens primaires tend à diminuer par rapport au prix de l'ensemble des biens industriels. Ainsi, entre 1900 et 1986 (année noire pour les prix des matières premières), les termes de l'échange pour les produits de base autres que les combustibles ont diminué en moyenne de 0,6 p. 100 par an. Mais ce constat dépend largement du mode de calcul, en particulier du choix de l'année de base : par exemple, en prenant pour année de base 1920, les mêmes termes de l'échange ont diminué seulement de 0,3 p. 100 entre 1920 et 1980, et ils sont restés stables si on avance l'année finale à 1975 ! Il dépend aussi de l'indicateur utilisé et des pays considérés. Doit-on par exemple exclure les pays exportateurs de pétrole ? En effet, dans les années 1955-1973, les P.E.D. non exportateurs de pétrole ont connu, en général, une amélioration des termes de l'échange nets alors que les pays exportateurs de pétrole connaissaient une dégradation. Au contraire, à la suite des trois chocs pétroliers (1973, 1979, 2005), les pays producteurs de pétrole ont bénéficié d'une amélioration spectaculaire de leurs revenus à l'exportation.

Il convient donc de nuancer la baisse du prix relatif des produits de base. Celle-ci est en outre paradoxale. Les gains de productivité étant, en général, plus élevés pour les produits manufacturés, on devrait, au contraire, assister au phénomène inverse. Certains produits industriels, comme les composants électroniques, ont connu, grâce à des gains d'échelle ou d'apprentissage élevés, des chutes de prix considérables. Par ailleurs, si les frais de transport et d'assurance, dont la part est plus importante pour les produits de base, sont incorporés au prix des importations, la baisse tendancielle des prix reflète aussi celle des coûts de fret. Mais le biais le plus important est relatif à la prise en compte très imparfaite de la qualité des produits. En effet, dans le secteur industriel, une partie des gains de productivité est distribuée aux utilisateurs sous la forme d'une amélioration des performances. Un tracteur contemporain ne peut se comparer aux engins des années 1960, alors que le charbon extrait au xixe siècle n'a pas sensiblement changé de nature au xxie.

Même si les exportations des P.E.D. restent largement fondées sur les produits de base, la baisse tendancielle du prix de ces derniers n'implique pas nécessairement la dégradation des termes de l'échange. En effet, les principaux exportateurs de matières premières restent les pays industriels et, le cas échéant, les P.E.D. bénéficient de la baisse des[...]

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