TERPÈNES
Biochimie et géochimie des terpénoïdes
Mécanismes biosynthétiques
L'utilisation de précurseurs marqués (14C, 3H) a permis de démontrer, vers 1955, que les terpénoïdes étaient produits par la voie résumée sur la figure. L'acide acétique, convenablement activé, se condense pour donner un dimère, qui peut ensuite donner soit (par condensation terminale d'une troisième molécule) une chaîne linéaire conduisant aux acides gras, soit (par condensation ramifiante) l'acide mévalonique, en C6, dont la décarboxylation accompagnée de déshydratation mène à l'isopenténol. Celui-ci est isomérisé en alcool diméthyl-allylique. Une condensation enzymatique de ces deux constituants (sous forme de pyrophosphates) conduit au pyrophosphate de géranyle, précurseur des monoterpènes, ou des polyterpènes par poursuite de la condensation. Les alcools ramifiés en C5 sont donc les éléments de construction universels dont sont faits les terpénoïdes. On a étudié très en détail les mécanismes mis en jeu dans la formation des précurseurs acycliques, et dans leurs modifications ultérieures (K. E. Bloch, F. Lynen, J. W. Cornforth, Goodwin, J. Benveniste).
Catabolisme des terpénoïdes
Parmi les dégradations biochimiques des terpénoïdes, celle qui mène, dans de nombreux organismes, des triterpènes aux stéroïdes a été particulièrement étudiée. La figure résume les deux voies connues de ce catabolisme : à partir du lanostérol chez les animaux et les champignons, ou à partir du cycloarténol chez les végétaux chlorophylliens.
Il est intéressant de noter que les insectes n'ont pas la capacité de transformer les triterpènes en stérols. Un stéroïde au moins, l' ecdysone, est cependant une hormone essentielle, régulant la mue. Elle est produite par les insectes à partir du cholestérol, qui peut être obtenu par transformation des stérols des végétaux chez les insectes phytophages, mais elle est une vitamine pour d'autres insectes, comme la mouche.
Les terpénoïdes sont normalement biodégradables. À l'exception du camphre et de l'acide abiétique, peu de mécanismes détaillés sont connus ; ils varient avec les organismes utilisés. L'une des caractéristiques fréquentes de ces biodégradations est l'attaque oxydante de groupes méthyle non activés, que réalisent aussi les organismes supérieurs (détoxification du camphre par le chien : ).
Géochimie des terpénoïdes
Les terpénoïdes, ubiquitaires, dont la structure complexe exclut une origine abiotique, sont souvent bien résistants et sont isolables dans tous les sédiments, même très anciens (2 × 109 ans). Seuls les hydrocarbures saturés, par exemple le phytane, sont la plupart du temps isolables. Parfois, des triterpénoïdes intacts ont pu être isolés dans des roches datant de plusieurs centaines de millions d'années. Ces marqueurs paléobiologiques proviennent soit directement des organismes enfouis lors de la formation du sédiment, soit de micro-organismes ayant tout d'abord vécu aux dépens de la matière organique enfouie. Des transformations géochimiques, au contact de l'argile, ont pu également se produire. C'est à des polyterpanes que beaucoup de pétroles doivent leur pouvoir rotatoire.
La présence de terpénoïdes dans tous les êtres vivants, ne serait-ce que comme constituants membranaires, et leur résistance relative aux biodégradations, ont permis au cours des temps l'accumulation d'une quantité énorme de certains d'entre eux. C'est ainsi que les dérivés triterpéniques du hopane, présents dans tous les sédiments, constituent une réserve de carbone organique fossile probablement plus abondante que l'ensemble de tous les êtres vivants actuels. L'importance de ces hopanoïdes, et d'autres familles de terpénoïdes, en tant que constituants membranaires de micro-organismes, a été d'ailleurs révélée par leur distribution ubiquitaire[...]
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Écrit par
- Guy OURISSON : professeur à l'université Louis-Pasteur, Strasbourg, membre de l'Académie des sciences
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