TERRE Formation
Âge de formation de la Terre
Les rapports isotopiques et, dans une moindre mesure, la composition chimique de la Terre nous renseignent non seulement sur l’origine de la matière terrestre mais également sur l’âge de sa formation. L’élaboration du noyau est certainement la transformation interne la plus importante ayant affecté notre planète. Elle s’est effectuée par ségrégation du fer métal de la matière silicatée au fur et à mesure de la croissance de la Terre. Sur cette base, les études géochronologiques ont montré que dater la formation du noyau revenait ainsi à dater la formation de la Terre.
Pour ce faire, le système de datation hafnium-tungstène (Hf-W) s’est montré l’un des plus performants. En effet, l’affinité de l’hafnium pour les roches silicatées du manteau (élément dit lithophile) et l’affinité du tungstène pour le fer métal du noyau (élément dit sidérophile) font du système isotopique Hf-W un traceur idéal pour dater la formation du noyau. Le principe est le suivant : on considère que chaque apport de matière à la Terre en croissance contient une certaine quantité d’hafnium et de tungstène. Avec le temps, l’isotope 182Hf, radioactif (dit isotope père), se transforme en 182W (dit isotope fils), stable. Lorsque la température atteint le point de fusion du fer, le fer percole (par ségrégation) vers le noyau. En raison de leur affinité, Hf se concentre dans le manteau et W dans le noyau. Pour comprendre le principe de la datation isotopique, prenons deux cas extrêmes. Supposons tout d’abord que la formation du noyau s’arrête au bout de 8,9 millions d’années (durée correspondant à la demi-vie du 182Hf) : la moitié du 182Hf est alors encore présent dans le manteau et produira du 182W qui, du fait que la formation du noyau est terminée, restera piégé dans le manteau. Supposons, au contraire, que la formation du noyau s’arrête très tardivement, lorsque tout le 182Hf a décru : tout le 182W produit auparavant aura alors le temps de migrer vers le noyau et il n’y aura pas de nouvelle production de 182W au sein du manteau (puisqu’il n’y aura plus de 182 Hf) après la formation du noyau. Ces deux cas extrêmes montrent que la concentration du 182W dans le manteau est un indicateur de la vitesse à laquelle le noyau se forme.
En supposant que la croissance de la Terre est un processus continu, comme on s’y attend si l’on considère qu’elle est issue de collisions d’une myriade de petits corps, le chronomètre Hf-W indique que 63 % de la masse de la Terre a été acquise entre 10 et 20 millions d’années, pour atteindre 90 % entre 25 et 50 millions d’années. La même analyse menée sur les météorites martiennes montre que Mars aurait accrété 90 % de sa masse en seulement 4 millions d’années. Cette période de temps, relativement courte, est comparable à la durée de vie du gaz dans le disque protoplanétaire solaire (de l’ordre de 5 millions d’années). Les planètes géantes, ayant capturé une grande quantité d’hydrogène et d'hélium, se sont aussi formées dans le même laps de temps, avant la disparition du gaz du disque protoplanétaire. Ces études chronologiques suggèrent donc que la formation de la Terre aurait été significativement plus lente que celle des autres planètes (à noter que pour Vénus et Mercure nous n’avons pas d’information).
L’histoire de la formation de la Terre a probablement été bien plus complexe qu’une simple accrétion continue de petits corps. L’existence de la Lune en atteste. Les propriétés de ce satellite de la Terre, notamment sa faible quantité en fer et sa composition isotopique identique à celle de notre planète, suggèrent fortement que la Lune s’est formée à partir de matière éjectée du manteau terrestre au cours d’une collision géante avec une autre protoplanète dénommée Théia (du nom de la déesse mère de la Lune).[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Guy LIBOUREL : professeur des Universités, université de Côte d'Azur
- Alessandro MORBIDELLI : directeur de recherche CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, Nice
Classification
Médias
Autres références
-
ÂGE DE LA TERRE
- Écrit par Pascal RICHET
- 5 143 mots
- 5 médias
Que la Terre et même l’Univers aient un âge est de nos jours une évidence. Le fait que ces âges se comptent par milliards d’années est lui-même couramment connu : 4,55 pour la Terre et sans doute environ trois fois plus pour l’Univers, comme l’ont respectivement établi les géochimistes au milieu du...
-
TERRE BOULE DE NEIGE HYPOTHÈSE DE LA
- Écrit par Françoise DREYER
- 7 142 mots
- 5 médias
Peut-on imaginer la Terre entièrement couverte de glace ? L’hypothèse d’une Terre « boule de neige » ou SnowballEarth, proposée en 1992, a pris de plus en plus de cohérence et semble admise en 2017 au vu de la synthèse effectuée par une équipe internationale et interdisciplinaire conduite...
-
ACCÉLÉROMÈTRES SPATIAUX
- Écrit par Raphaël F. GARCIA et Pierre TOUBOUL
- 4 883 mots
- 3 médias
Pourquoi cette orbite est-elle si basse ? L'objectif scientifique de la mission Goce consiste à déterminer de façon très précise les anomalies du champ de gravité terrestre. En un point donné, la pesanteur est la résultante de l'attraction gravitationnelle suivant la loi de Newton et de l'accélération... -
AÉRONOMIE
- Écrit par Gaston KOCKARTS
- 4 157 mots
- 11 médias
...fondée sur les variations de la pression atmosphérique avec l'altitude et distingue l'homosphère, l'hétérosphère et l'exosphère. Pour l'atmosphère terrestre (fig. 1), la distribution verticale de la pression indique clairement un changement de pente aux environs de 100 km d'altitude.... -
ÂGE DE LA LUNE
- Écrit par Maud BOYET
- 393 mots
Lors de la mission Apollo-16 en 1969, un échantillon d'une masse de 1,8 kilogramme (échantillon 60025) a été récolté et son étude pousse à reconsidérer l'âge de la Lune. Cette mission fut la seule à permettre l'échantillonnage de la croûte anorthositique lunaire, car située...
-
ASTÉROÏDES
- Écrit par Christiane FROESCHLÉ , Claude FROESCHLÉ et Patrick MICHEL
- 10 700 mots
- 13 médias
Parmi les astéroïdes de notre système solaire, il existe une population bien singulière dont la principale caractéristique est de se mouvoir sur des orbites qui s'approchent de l'orbite de la Terre ou même la croisent. En 2007, un peu plus de 4 500 de ces petits corps, appelés aussi N.E.A. (selon... - Afficher les 90 références