TERRE Formation
La Terre, une planète rare ?
Malgré de nombreuses avancées sur la dynamique des disques protoplanétaires, les processus d’accrétion et l’origine des constituants planétaires, il n’existe pas encore de modèle précis de formation de la Terre et des autres planètes telluriques, ce qui laisse sans réponse la question pressante de savoir si la formation d’une planète comme la Terre est un événement fréquent ou rare. Les observations des planètes extrasolaires n’apportent pas encore de réponse car celles qui seraient analogues à la Terre restent indétectables.
Une des singularités de la Terre est liée à sa formation lente, s’étalant sur plusieurs dizaines de millions d’années. Les modèles montrent que si la Terre avait acquis sa masse rapidement durant la période d’existence du disque protoplanétaire (au cours des 5 premiers millions d’années de notre système solaire), elle aurait migré vers le Soleil par interaction gravitationnelle avec le disque, quittant ainsi sa localisation (~1 ua du Soleil) de planète habitable. Ce type de déplacement planétaire est dépendant de la masse et a probablement affecté les super-Terres, expliquant leur position à proximité de leur étoile centrale. Pour la Terre, on estime que sa migration a été négligeable car sa masse, à la disparition du disque, ne représentait que 2 ou 3 masses martiennes. Dans un autre scénario, une Terre plus massive – en position initiale plus externe dans le disque – aurait pu migrer vers le Soleil jusqu’à sa position actuelle. Mais, dans ce cas, elle aurait accrété davantage de matière du disque externe, serait donc beaucoup plus riche en eau et aurait une contribution de matière CC bien plus importante que celle contrainte par les mesures. La Terre serait probablement entièrement recouverte d’un océan, bien plus épais que celui que nous connaissons.
En considérant que la vitesse de croissance de la Terre dépend de la quantité de matière disponible localement, des disques ayant une masse plus importante (ayant produit plus de planétésimaux ou avec un flux de poussières plus élevé) auraient formé des planètes telluriques plus rapidement, qui n’auraient pas pu échapper au processus de migration.
Les caractéristiques orbitales des planètes géantes du système solaire ont également joué un rôle crucial. La plupart des planètes géantes extrasolaires ont des orbites fortement excentriques et se trouvent à des distances de l’étoile centrale comparables à celle de la Terre. Si telle avait été l’orbite de Jupiter, la Terre n’aurait simplement pas pu se former puisque toute la matière aurait alors été dispersée ou accrétée par Jupiter.
Enfin, soulignons que la formation de la Lune semble être également un événement déterminant. Terminer sa croissance par un impact géant, comme l’a fait la Terre, a de profondes conséquences sur sa structure interne, expliquant peut-être les grandes différences avec Vénus, sa planète jumelle, qui ne possède pas de satellite. En outre, la Lune stabilise l’obliquité de l’axe de rotation terrestre en minimisant ses oscillations qui, dans le cas contraire, engendreraient des bouleversements climatiques difficilement favorables à la vie.
En l’état actuel des connaissances, il semble donc difficile de conclure que la présence d’une planète comme la Terre puisse être considérée comme une caractéristique typique d’un système planétaire. Quantifier l’occurrence de planètes analogues à la Terre est l’un des grands enjeux de la planétologie moderne, tant du point de vue observationnel, en améliorant la sensibilité des techniques de détection, que du point de vue théorique, en affinant les modèles numériques au point d’appréhender toutes les conditions nécessaires à la formation d’une telle planète.
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Écrit par
- Guy LIBOUREL : professeur des Universités, université de Côte d'Azur
- Alessandro MORBIDELLI : directeur de recherche CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, Nice
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