TERRE Le système Terre et sa transformation
La transformation de la couverture végétale : déforestation, irrigation, salification ...
On situe les débuts de l'agriculture il y a environ une dizaine de millénaires avant le présent, c'est-à-dire au cours de la déglaciation et de la transition du Pléistocène vers l'Holocène. Le défrichement et la déforestation ont sans doute commencé à une échelle modeste, affectant aussi les conditions atmosphériques locales, comme par exemple la quantité de poussières piégées dans certaines tourbières. Ces modifications anthropiques du couvert végétal ont-elles eu des effets à l'échelle de la planète ? Le paléoclimatologue américain William Ruddiman, de l'université de Virginie, a soutenu que la poursuite de la remontée graduelle des concentrations atmosphériques du gaz carbonique (CO2) et du méthane (CH4) résulte en partie de ces premières activités agricoles. En revanche, pour l'astronome et géophysicien belge André Berger de l'université catholique de Louvain-la-Neuve, ces perturbations encore faibles des cycles biogéochimiques naturels n'ont guère affecté ni la déglaciation, ni la durée très longue de la période interglaciaire actuelle (l'Holocène). Cette durée résulte de la phase présente des variations astronomiques (de Milankovitch) assez proche de celles qui ont pu exister il y a environ 430 000 ans, où la Terre a également connu une période interglaciaire très longue.
Il reste vrai que, de plus en plus, par le défrichement et la déforestation, les humains ont modifié les biotopes et le fonctionnement des échanges d'eau entre la surface et l'atmosphère, notamment la répartition entre évapotranspiration et le ruissellement. On sait que l'eau qui tombe en pluie sur l'Amazonie ne vient pas directement de l'océan Atlantique, encore moins de l'océan Pacifique à cause de la barrière andine, mais plutôt de l'évapotranspiration de la végétation de la forêt tropicale. Lorsqu'on coupe la forêt, la fraction recyclée peut diminuer si l'état des pâturages ou des cultures de remplacement se dégrade. Dans les régions arides et semi-arides, en revanche, l'irrigation répand de l'eau venant soit du sous-sol profond (nappes d'« eau fossile »), soit de rivières (le Nil, le Missouri, le fleuve Jaune, etc.) venant de régions bien arrosées en amont. Le couvert végétal plus riche peut certainement augmenter l'évaporation et l'évapotranspiration dans ces régions sèches, et par là les chances de pluie, même s'il ne faut pas prendre à la lettre l'adage « La pluie suit la charrue », populaire parmi les « homesteaders » des étendues semi-arides au pied des Rocheuses. Certains chercheurs, notamment à l'université du Colorado, estiment que les transformations de l'utilisation des sols ont plus affecté la météorologie et le climat que les émissions de gaz à effet de serre. En effet, dans des régions arides et semi-arides, l'invention et l'extension de l'irrigation ont fortement modifié les échanges d'eau et d'énergie entre la surface terrestre et l'atmosphère. Dans certains cas, ce développement ne fut guère durable, la salification des sols mettant un terme à plusieurs civilisations brillantes, notamment dans la vallée de l'Indus. Aujourd'hui, avec la croissance dramatique de la population humaine au cours du xxe siècle, le défrichement et la déforestation en zone tropicale, et plus généralement l'accaparement par l'espèce humaine d'une partie de plus en plus grande de la production primaire atteignent les limites de notre planète.
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Écrit par
- Robert KANDEL : directeur de recherche honoraire du C.N.R.S., laboratoire de météorologie dynamique, École polytechnique, Palaiseau
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