TERRE Structure interne
Une Terre anisotrope et anélastique
Jusqu’alors, les modèles tomographiques présentés (avec leurs zones rouges et bleues) ne reflètent que les variations tridimensionnelles et « isotropes » des vitesses sismiques associées principalement aux variations de la température. La plupart des minéraux terrestres ne peuvent être limités à leurs propriétés isotropes et élastiques. Lorsqu’ils sont, au niveau microscopique, déformés sur des échelles de temps géologiques, les minéraux anisotropes ont tendance à s'aligner à grande échelle selon une orientation préférentielle – on parle alors d’orientation préférentielle des cristaux (CPO pour crystalpreferred orientation) et d’anisotropie intrinsèque. Une anisotropie supplémentaire, dite extrinsèque, peut également apparaître lorsque des fissures (dans la croûte) ou des inclusions fluides (asthénosphère, noyau interne) sont présentes en grand nombre dans les matériaux – on parle alors d’orientation préférentielle de forme (SPO pour shapepreferred orientation). La teneur en eau des matériaux, encore mal connue, pourrait également jouer un rôle clé dans les mécanismes d'alignement des minéraux. Dans le manteau supérieur, les différents minéraux présents sont fortement anisotropes. Dans ces deux cas d’anisotropie, la vitesse des ondes sismiques dépend faiblement mais significativement de leur direction de propagation. Par exemple, la différence de vitesse sismique entre l'axe rapide et l'axe lent des minéraux est de l’ordre de 20 % pour l'olivine, principal constituant du manteau supérieur. D'autres constituants importants tels que l'orthopyroxène ou le clinopyroxène sont également anisotropes (différence supérieure à 10 % entre les deux axes). Dans les modèles pétrologiques, qui sont des assemblages de minéraux, l’anisotropie est moindre que celle de l'olivine pure mais elle peut atteindre néanmoins plus de 10 %. Ainsi, l'anisotropie du modèle pyrolitique (modèle pétrologique privilégié pour le manteau, principalement composé d'olivine et d'orthopyroxène) dépend de l'orientation relative des axes cristallographiques des divers constituants.
Dans un souci de simplicité mathématique, le milieu élastique de propagation des ondes est souvent considéré comme isotrope, malgré la grande amplitude de l'anisotropie dans plusieurs domaines de profondeur. Les modèles tomographiques globaux se sont perfectionnés au fil des années non seulement par une augmentation du nombre de données mais aussi par l’amélioration et la complexification de la modélisation de la propagation des ondes sismiques, prenant en compte l’anisotropie et l’atténuation (liée à l’anélasticité des matériaux terrestres) sismiques dans les milieux traversés. Alors que les hétérogénéités isotropes permettent de cartographier les régions chaudes et froides de la Terre, on voit tout l’intérêt d’imager l'anisotropie déduite des ondes sismiques, qui permet de visualiser la direction des courants de matière du flux convectif et les zones de déformation intense. Il a été démontré que cette circulation de matière dans le manteau, déduite des modèles géodynamiques, est en bon accord avec les distributions de l’anisotropie. Cette dernière a de nombreuses autres applications telles que la détermination de la profondeur des racines crustales et continentales, l'étude des différentes échelles de convection à la base de la lithosphère, dans les zones de transition, dans la couche D’’ et même à l'intérieur du noyau et de la graine.
En raison de sa forte dépendance à la température, à la fusion partielle et à la teneur en eau, la cartographie de l'atténuation sismique dans la Terre a le potentiel de fournir des informations précieuses sur la structure et la dynamique tridimensionnelles (3D) de la Terre,[...]
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Écrit par
- Jean-Paul MONTAGNER : professeur des Universités, Institut de physique du globe de Paris, membre senior de l'Institut universitaire de France
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