TESTS GÉNÉTIQUES
En quoi ces tests posent-ils problème ?
Les difficultés liées à ces tests sont évidemment exacerbées lorsque ceux-ci sont librement disponibles, sans encadrement, ce qui est, pour l'essentiel, le cas aux États-Unis.
Les tests de paternité ou de parenté – la criminologie n'entrant pas dans le cadre de cet article, puisque ces tests sont encadrés par la loi – offrent une très grande facilité, tant matérielle que financière. Ils peuvent être pratiqués à l'insu des intéressés, puisqu'il suffit d'un cheveu ou de quelques cellules accrochées à une brosse à dents pour obtenir un peu d'ADN, qui sera ensuite amplifié par une méthode maintenant classique, la PCR (polymerase chain reaction). Le prélèvement est envoyé à l'une des nombreuses officines qui proposent ce service sur Internet, le résultat étant disponible une ou deux semaines plus tard. On imagine les dégâts que peut causer la révélation par cette méthode d'une non-paternité et l'influence délétère qu'elle peut avoir sur l'ambiance familiale. La technique, par son accessibilité même, remet en cause la primauté qu'on accorde en principe en France à la paternité sociale par rapport à la filiation biologique. Son interdiction dans ce pays, avec des pénalités très lourdes est assez illusoire compte tenu de la facilité du recours à Internet.
L' étude des ascendances est sans doute une nouveauté pour le public français. On affirmait encore il y a peu de temps qu'une analyse d'ADN ne pouvait rien dire sur l'origine géographique d'un sujet. Cela n'est plus vrai, et l'étude de quelques milliers de points bien choisis sur l'ADN, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, permet bel et bien d'indiquer si les ancêtres d'une personne étaient principalement africains, européens ou asiatiques, de révéler des ascendances mixtes et même parfois de suggérer une origine géographique plus précise. La mise en évidence de ces « ascendances » ne signifie pas une réhabilitation du concept de « race » (beaucoup plus tranché, plus exclusif et d'origine très largement sociale), mais elle montre qu'une personne porte dans son ADN la mémoire de ses ancêtres – rien de plus normal après tout. Cela dit, l'interprétation de ces données est délicate et les entreprises impliquées ont souvent tendance à exagérer leur fiabilité et leur précision. Ces études sont très demandées aux États-Unis, notamment par les Afro-Américains qui, dépossédés de leurs origines par la césure de l'esclavage, cherchent à les retrouver dans leur génome. À cette occasion, d'ailleurs, nombre de personnes qui se considèrent – et sont considérées – comme « noires » découvrent que leur ascendance est mixte et que la part européenne y est aussi importante que l'africaine... Cela dit, cette utilisation des analyses d'ADN paraît relativement inoffensive, mis à part le fait que, mal comprise, elle pourrait sembler légitimer la résurgence de la notion de « race ».
Les profils génétiques individuels sont établis en interprétant les résultats de l'analyse approfondie du génome en termes de susceptibilité à différentes maladies, à la lumière des données scientifiques récentes. Il ne s'agit pas là d'informations portant sur les mutations, heureusement peu fréquentes, qui entraînent des affections comme la myopathie, la mucoviscidose ou la chorée de Huntington. En effet, ces analyses-là demeurent pratiquées dans un cadre médical ; d'ailleurs, pour des raisons techniques, ces altérations rares ne seraient pas détectées par les tests DTC. Mais, en ce qui concerne nombre d'affections fréquentes, comme le diabète, le glaucome, la maladie d'Alzheimer, le psoriasis ou l'arthrite rhumatoïde, les recherches menées ces dernières années ont permis d'identifier[...]
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Écrit par
- Bertrand JORDAN : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
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