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TÉTRAPODES

Génomique fonctionnelle du développement des tétrapodes

Depuis les années 2020, on a procédé à une étude comparative du génome complet d’un ensemble de vertébrés à mâchoires, incluant des chondrichthyens (poissons cartilagineux : requins et chimères), mais aussi des ostéichthyens (actinoptérygiens, dipneustes, cœlacanthes et tétrapodes), afin de comprendre comment l’expression de divers gènes – notamment des gènes régulateurs du développement embryonnaire (ou homéogènes) – correspondait à des caractères anatomiques et physiologiques impliqués dans l’adaptation à la vie terrestre, tant au niveau des appendices pairs (nageoires et membres) que des organes internes (poumons, reins). Le génome des dipneustes – et en particulier celui du dipneuste australien  Neoceratodus – est le plus long connu chez les vertébrés. Avec 43 milliards de paires de bases, il est quatorze fois plus long que le génome humain. Le travail de séquençage a été compliqué du fait de la présence de nombreuses copies d’un même gène au sein du génome – d’où sa grande longueur – et a mobilisé de nombreux chercheurs. Ces derniers, en retrouvant les gènes homologues chez d’autres vertébrés à mâchoires, ont pu reconstituer l’ensemble du génome de Neoceratodus et élucider, par comparaison, le rôle fonctionnel de ses gènes. Dans l’ensemble, les résultats de la phylogénie moléculaire fondée sur ces gènes sont en parfait accord avec les données anatomiques, temporelles et environnementales fournies par les fossiles, permettant de dater les divergences entre les différents groupes. Le résultat le plus surprenant a été le fait que les gènes impliqués dans la structuration des nageoires paires et des membres des tétrapodes étaient déjà présents chez les requins et que ceux impliqués dans la formation des poumons et de la vessie natatoire – ces deux organes étant des diverticules du tube digestif embryonnaire – l’étaient déjà chez le dernier ancêtre commun de tous les ostéichthyens. On a cité ces résultats comme un exemple de préadaptation, terme qui sous-entendrait que cette adaptation à la vie terrestre aurait été prévue, alors qu’elle n’est que le fruit du hasard et de la sélection naturelle. On lui préfère donc le terme d’exaptation : toutes ces fonctions apparues séparément au hasard de mutations à différentes périodes de l’histoire évolutive des sarcoptérygiens et même de l’ensemble des ostéichthyens et utilisées dans un rôle différent, comme la vessie natatoire et les poumons – qui permettent tous deux les échanges gazeux mais qui assurent, respectivement, la flottaison et la respiration de l’air atmosphérique –, se retrouvent ainsi « recrutées » dans un rôle imposé par les conditions de l’environnement, et donc sélectionnées comme avantageuses. C’est de ce « bricolage » génétique et fonctionnel que résulte l’un des plus extraordinaires événements de l’histoire des vertébrés qu’est l’apparition de la tétrapodie.

— Jorge MONDÉJAR FERNÀNDEZ

— Philippe JANVIER

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS
  • : docteur en paléontologie (Muséum national d'histoire naturelle, Paris), postdoctorant au Musée Senckenberg, Francfort (Allemagne)

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Médias

Place des tétrapodes au sein des sarcoptérygiens - crédits : Encyclopædia Universalis France

Place des tétrapodes au sein des sarcoptérygiens

Origine des membres des tétrapodes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Origine des membres des tétrapodes

Traces de pas de tétrapodes (site de Zalchelmie, Pologne) - crédits : M. Hodbod/ Polish Geological Institute

Traces de pas de tétrapodes (site de Zalchelmie, Pologne)

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