Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TETRAPODOPHIS AMPLECTUS

Les environnements et les adaptations des premiers serpents

Une autre surprise réside dans le mode de vie probable de Tetrapodophisamplectus. Les hypothèses sur la position des serpents dans la phylogénie des Squamates ont varié depuis les années 1990, selon que l’on considérait des caractères moléculaires ou morphologiques. Les premiers suggéraient un enracinement des serpents au sein de lézards terrestres fouisseurs, les seconds à proximité des Mosasaures, un groupe éteint de grands Squamates marins qui peuplaient les mers il y a environ 100 Ma. Or tous les serpents fossiles découverts avant Tetrapodophisamplectuset possédant au moins des membres postérieurs, donc considérés pour cette raison comme primitifs, présentent également des adaptations à la nage et ont été mis au jour dans des sédiments marins. On en avait donc conclu que les premiers serpents étaient marins. Tetrapodophisamplectus, pourtant nettement plus ancien que ces derniers, ne présente aucune indication d’une adaptation à la nage. Au contraire, le nombre et la morphologie de ses vertèbres, ainsi que la conformation de ses mâchoires, suggèrent une capacité de constriction lui permettant d’étouffer des proies et de les avaler entières, une propriété unique à la plupart des serpents actuels. De plus, ses quatre pattes (munies de doigts préhensiles et de griffes), trop petites pour avoir servi à la locomotion, n’évoquent pas non plus une adaptation à la nage, ni un mode de vie fouisseur, mais devaient sans doute servir à maintenir les proies lors de la constriction (d’où le nom d’espèce amplectus, signifiant « qui étreint »). Il est aussi possible que ces pattes aient servi lors de l’accouplement ou aient aidé l’animal à grimper dans les branches. Enfin, sa queue, composée de 112 vertèbres, était cylindrique et non aplatie (comme chez les reptiles aquatiques tels que les alligators), ce qui conforte l’hypothèse que les serpents ne sont pas issus d’ancêtres aquatiques.

Tetrapodophisamplectusillustre bien la propriété principale des fossiles de montrer des combinaisons de caractères anatomiques qui n’existent plus dans la nature actuelle : ici, un corps de serpent constricteur combiné à quatre membres courts, mais complets et fonctionnels. Ainsi, comme Tetrapodophisamplectus, les fossiles matérialisent des formes, des phénotypes, que les phylogénies reconstruites à partir des caractères moléculaires ou morphologiques d’espèces actuelles ne pouvaient que prédire, mais qui restaient hypothétiques.

— Philippe JANVIER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

<em>Tetrapodophis amplectus</em> - crédits : Helmut Tischlinger/ University of Portsmouth

Tetrapodophis amplectus