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TEXTES (Grèce antique)

L'épigraphie

Quant à l'épigraphie, c'est-à-dire l'étude des textes gravés — essentiellement sur marbre, mais aussi sur bronze ou sur argile —, elle s'est constituée beaucoup plus tôt que la papyrologie : dès le xve siècle, Cyriaque d'Ancône copiait les inscriptions grecques qu'il rencontrait lors de ses pérégrinations en mer Égée. Les voyageurs érudits des xviie, xviiie et xixe siècles en firent souvent autant, pour notre plus grand profit, car nombre de ces inscriptions ont disparu depuis lors. Bien qu'elle puisse encore faire état de moissons appréciables dans certaines régions du Proche-Orient, cette épigraphie, qu'on pourrait dire descriptive, a été éclipsée depuis la seconde moitié du xixe siècle par l'épigraphie archéologique : la fouille des grands sanctuaires et des lieux publics a amené la découverte de dizaines de milliers d'inscriptions. Au moment où la fin de l'exploration des grands sites et la minutie accrue des fouilles semblaient devoir diminuer le nombre des trouvailles, les labours profonds et l'essor de la construction en Grèce et en Turquie depuis la Seconde Guerre mondiale maintinrent le rythme des découvertes : chaque année, ce sont des centaines d'inscriptions nouvelles qui apparaissent, dont les premières publications sont signalées et critiquées dans le Bulletin épigraphique de J. et L. Robert, avant d'être reprises dans le Supplementum epigraphicum graecum. Ces documents sur pierre sont toujours des textes officiels : qu'il s'agisse de décrets, de listes de magistrats, de règlements ou de calendriers de culte, de dons faits aux dieux, d'actes d'affranchissement, de comptabilités de constructions ou d'inventaires, d'hommages rendus — souvent en vers — à des bienfaiteurs, à des athlètes vainqueurs ou à des morts, c'est une information importante, soit pour un individu soit pour la collectivité, qu'on a voulu pérenniser en lui assurant une publicité durable. Aussi ne surprend-on pas dans ces inscriptions, comme dans les papyrus, la vie privée et quotidienne, mais l'effet de réalité n'en reste pas moins saisissant : la vanité et l'ambition des individus, la vivacité persistante de la vie associative, la volonté obstinée d'autonomie des cités, d'abord dans un monde instable dominé par la guerre, puis au sein même de la « paix romaine », s'y dévoilent ; c'est une histoire immédiate, non filtrée par la rhétorique des historiens, qu'on peut y lire, avec ses petits événements et ses grandes constantes. Les quelque deux cent mille inscriptions grecques connues apportent donc une contribution essentielle à notre connaissance de l'histoire et des institutions grecques, d'autant que la plupart des grandes catégories d'inscriptions ont développé un formulaire qui permet de restituer, par analogie, une partie des lacunes que présentent ces textes, la plupart fragmentaires ou usés. De plus, l'évolution de la graphie et de la mise en page, souvent très soignées, voire décoratives, permet de dater à peu près un grand nombre de documents, pourvu que l'on connaisse le style régional, car l'épigraphie, comme tous les arts de la Grèce, a connu ses modes et ses manières locales : ces lapicides anonymes ne furent pas seulement des lettrés scrupuleux, certains furent aussi des artistes dont on peut reconnaître la main.

— Bernard HOLTZMANN

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

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