THAÏ
Caractères socioculturels
L'ensemble de la culture thai, tout particulièrement celle des Siamois et des Laotiens, a reçu des influences diverses, venues de la Chine et de l'Inde, mais c'est évidemment le bouddhisme qui l'a marquée le plus profondément. Dans le cadre de l'Église du Sud, appelée Hīnayāna ou Theravāda, la religion du Bouddha est en effet devenue la religion officielle de la Thaïlande et du Laos. Mais si le clergé des bonzes, hiérarchisé, implanté dans les villes et villages, est présent dans toute cérémonie publique et privée importante, et si la vie de la pagode ou monastère bouddhique s'inscrit dans celle de la communauté laïque par tout un système de dons et de rapports mutuels, il n'en est pas moins vrai que les croyances autochtones, issues d'un substrat bien antérieur au bouddhisme, sont loin d'avoir entièrement disparu : la croyance aux génies de la montagne, des pierres, des arbres et des eaux (les innombrables phi des légendes laotiennes et siamoises) témoigne d'un solide animisme local. La grande inscription du roi de Sukhothai, Rāma Kamheng, datant de la fin du xiiie siècle, contient un passage consacré au génie de la colline, le Braña Khabung, protecteur du royaume, ce qui n'empêche pas la même inscription d'affirmer l'appartenance bouddhique du roi et de tout son peuple. Chez les Thô, les génies se sont hiérarchisés en génies du canton, génies du village, etc., à l'image du chef et de ses vassaux.
Ainsi, deux niveaux religieux se sont superposés et interpénétrés en bien des cas. Le bouddhisme vécu comporte traditionnellement, pour tout Siamois ou Laotien, un séjour de trois mois à la pagode, ainsi que l'assistance aux fêtes commémorant la naissance et la mort du Buddha, et un certain nombre d'observances rituelles. L'obligation, au moins morale, de présenter aux bonzes des offrandes de nourriture et de vêtements a son origine dans le désir d'acquérir des mérites pour une vie future. L 'incinération des morts est de règle, suivie du dépôt des cendres dans une urne à reliques. La « tour-reliquaire », appelée stūpa dans l'Inde, chedi en Thaïlande, that au Laos, est le type même du monument bouddhique s'élevant dans l'enceinte du vat ou monastère, avec de nombreuses variantes architecturales et stylistiques.
Toutefois, les populations thai restées plus ou moins en marge de l'évolution historique de la Thaïlande et du Laos, notamment celles des hautes régions confinant à la Chine du Sud, enterrent généralement leurs morts ou, comme les Thai noirs, les incinèrent et enterrent ensuite la jarre dans laquelle ils ont recueilli les cendres.
C'est dans le domaine de l'évolution politique et sociale que la relative unité ethno-linguistique du monde thai s'est trouvée remise en cause. En effet, depuis la Chine du Sud, leur habitat d'origine, les tribus ont évolué fort différemment selon leurs conditions de développement. Établis dans le fond des vallées, les Thai ont été très tôt des cultivateurs de rizières irriguées, souvent étagées en terrasses le long des pentes. Parallèlement, ils ont cultivé le maïs, le manioc, les ignames, les fruits, les jardins potagers, et n'ont pas ignoré la rizière sèche et le ray ou culture sur brûlis là où la montagne et la forêt l'exigeaient.
L'ordre de base répondait à un type « féodal », les rizières du chef étant entretenues par les corvées des paysans, la propriété du sol étant l'apanage du souverain et de quelques grands vassaux vivant sur leurs terres et les ayant reçues du roi. Les Thai semblent l'avoir emporté très tôt sur l'ensemble des populations proto-indochinoises, non seulement sur le plan technique, mais encore par la puissance et la cohésion de leur structure. Les chefferies héréditaires[...]
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Écrit par
- Guy MORÉCHAND : membre de l'École française d'Extrême-Orient
- Solange THIERRY : chargée du département Asie au musée de l'Homme, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
Classification
Médias
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