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THASOS

Les tribulations d'une cité secondaire

À la fin du ve siècle, Thasos, non sans de douloureuses péripéties, met à profit l'effondrement d'Athènes : elle rétablit ses remparts, reconstitue sa flotte, recouvre une partie au moins de son Épire et pose les bases d'un nouvel essor économique en procédant à une réforme monétaire, en instituant le timbrage des amphores et en interdisant l'introduction de vins étrangers sur toute la côte nord de la mer Égée. Le vin de Thasos devient alors l'un des crus les plus recherchés de la Méditerranée ; il donne lieu à une activité intense et très organisée, que les recherches en cours dans l'île ont permis de préciser, qu'il s'agisse des fermes productrices ou des ateliers de fabrication d'amphores. La seconde moitié du ive siècle est effectivement une nouvelle phase de prospérité, comme l'attestent les nombreux monuments construits alors, souvent aux frais de riches notables : grande salle hypostyle de l'Héracleion, nouvelle porte de Zeus et d'Héra, monument du Dionysion commémorant un grand festival, bâtiment de scène du théâtre, etc. ; sur l'agora, des portiques commencent à border l'espace public, où les statues honorifiques se multiplient.

Mais l'indépendance politique n'est qu'un leurre après la mainmise de Philippe II de Macédoine sur la côte égéenne, vers 340 : comme toutes les autres cités grecques, Thasos ne sera plus guère qu'un pion dans le jeu des monarchies issues de l'empire d'Alexandre, ce qui ne l'empêche pas de moderniser périodiquement ses remparts et d'entretenir tout un réseau de tours de guet et de refuge sur ses côtes. Toujours disposée à pactiser avec la puissance hégémonique du moment pour préserver ses positions commerciales, elle se place dès le iie siècle av. J.-C. sous la protection de Rome et lui reste fidèle lorsque Mithridate soulève contre celle-ci une grande partie du monde grec (88-84 av. J.-C.). Un dernier épisode la mettra au premier plan de l'actualité politique : l'île sert de base aux partisans de la République romaine menés par Brutus après l'assassinat de César (44 av. J.-C.), avant que la bataille de Philippes, en octobre 42, ne donne l'avantage au parti des triumvirs mené par Marc-Antoine. C'est durant cette période hellénistique très troublée que s'effectue la réorientation politique et culturelle de Thasos : d'abord tournée vers le sud par ses origines et sa rivalité avec Athènes, elle est amenée à regarder davantage vers l'ouest et vers le nord, à partir du moment où s'établit en Macédoine un centre majeur de pouvoir et de culture, repris par Rome dès le milieu du iie siècle. Ce nouvel axe transversal Adriatique-mer Noire est concrétisé par l'établissement de la Via Egnatia, qui traverse l'Épire thasienne pour gagner l'Asie Mineure. L'aire de dispersion des monnaies et des amphores thasiennes en mer Noire et dans les Balkans atteste cette nouvelle orientation ; les fouilles de Pistyros, en Bulgarie, ont d'ailleurs révélé la présence de marchands thasiens sur ce marché thrace.

Durant les deux siècles de paix du Haut-Empire, Thasos cultive ses traditions helléniques face à la romanisation du continent, stimulée par l'installation à Philippes, aux confins de son Épire, d'une colonie romaine très vigoureuse. Elle n'en adopte pas moins certaines pratiques latines : vers 130 apr. J.-C., le théâtre est transformé pour accueillir des spectacles de gladiateurs. Sur les stèles funéraires, les représentations du « cavalier thrace » se multiplient, en même temps que les noms thraces, notamment dans le sud de l'île – signe d'une présence thrace renforcée ou révélation tardive de cette présence à cause d'un accès généralisé à un type de monument autrefois[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Médias

Grèce : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grèce : carte administrative

Héros sur un lit tenant un kylix, Thasos - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Héros sur un lit tenant un kylix, Thasos

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