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THE FABELMANS (S. Spielberg)

Homme discret, cinéaste passionné par son art et désireux d'en traiter pratiquement tous les genres, Steven Spielberg s'est, jusqu’à The Fabelmans (2022), limité à mettre un peu de lui-même dans certains de ses films comme E.T. l'extraterrestre (1982) ou Hook ou la Revanche du capitaine Crochet (1991). À l'image de ses jeunes collègues Paul Thomas Anderson et James Gray, qui ont relaté des épisodes de leur adolescence respectivement dans Licorice Pizza (2021) et Armageddon Time (2022), Spielberg réalise avec cet opus un film autobiographique, après y avoir longtemps pensé, tout en n’envisageant d'écrire un scénario sur sa jeunesse qu'une fois ses parents disparus (Leah en 2017 et Arnold en 2020, le film leur étant dédié). Un projet qu'il développe avec beaucoup d'émotion en la compagnie de son fidèle comparse (depuis Munich, 2005), le dramaturge Tony Kushner, et qui lui permet donc de figurer désormais aux côtés de François Truffaut (Les Quatre Cents Coups, 1959), Federico Fellini (Amarcord, 1973), Gérard Blain (Un enfant dans la foule, 1976), Giuseppe Tornatore (Cinema Paradiso, 1989) ou encore Pedro Almadóvar (Douleur et Gloire, 2019). Tout comme ces derniers, envahi par la nostalgie d'un passé tantôt enchanteur, tantôt douloureux, il a donc éprouvé le besoin de le magnifier, mais aussi de l'exorciser.

Naissance d'une vocation

Contrairement au public américain, resté indifférent au film, les spectateurs français ont été touchés par l'évocation très poétique de la découverte, puis de la pratique amateur du 7e art par l'enfant « Spielberg / Fabelman ». Apeuré à l'idée de se trouver dans le noir devant des personnages géants évoluant sur un écran, le petit Sammy Fabelman, âgé de cinq ans, est au contraire rapidement fasciné par l'accident ferroviaire mis en scène par Cecil B. DeMille dans Sous le plus grand chapiteau du monde (1952). Aussitôt après, il n'a de cesse de le reconstituer avec son propre train électrique, mais aussi de le filmer avec la caméra 8 mm de son père que lui a prêtée sa mère.

Les séquences sont imprégnées d'une grande sensibilité. Elles sont dues aussi bien au choix très pertinent du jeune interprète (Mateo Zoryon Francis-DeFord) aux grands yeux bleus, médusé par l’univers inconnu qui s'offre à lui, qu'à la reconstitution soignée, voire maniaque, du quotidien d'une famille juive aisée dans le New Jersey des fifties. Une famille composée d'une mère (Michelle Williams, au jeu très intériorisé), qui a sacrifié son talent de pianiste pour élever ses quatre enfants, et d'un père (Paul Dano, à l'interprétation tout en retenue), brillant ingénieur informaticien, incapable de percevoir la passion cinéphile de son fils autrement que sous la forme d'un passe-temps. Ce manque de compréhension entre le monde de l'enfance et celui des adultes, auquel Spielberg nous a depuis longtemps habitués, prend ici une dimension plus touchante, puisque directement ancrée dans ses années d'apprentissage. Touchante, mais aussi quasi thérapeutique.

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Écrit par

  • : enseignant-chercheur retraité de l'université de Strasbourg

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