THE GRANDMASTER (Wong Kar-Wai)
Présenté à Berlin au début de 2013, The Grandmaster a marqué le retour très attendu de Wong Kar-wai qui, après son 2046 à la fois magistral et déconcertant (2004), n’avait pas retrouvé le succès public. Son court-métrage La Main (2005), intégré à l’inégal Eros comprenant également des parties signées par Michelangelo Antonioni et Steven Soderbergh, était resté malheureusement méconnu. Quant à My Blueberry Nights (2007), son film tourné aux États-Unis avec un casting anglo-saxon, il avait été tenu pour un échec alors même qu’il retrouvait sur un mode mineur les grands thèmes du réalisateur. Wong Kar-wai n’avait plus signé ensuite que de brefs courts-métrages dans des films collectifs, avant de s’engager dans l’aventure de The Grandmaster.
Une histoire de la Chine
Alors que My Blueberry Nights était un film absolument contemporain, cette biographie d’Ip Man, maître du kung-fu, nous plonge dans l’histoire de la Chine. Si cette dimension historique est souvent présente chez le cinéaste, elle n’en était pas moins restée jusqu’ici à l’arrière-plan, par exemple dans Nos Années sauvages (1990) et In the Mood for Love (2000). L’histoire et la mémoire sont bien ici les thèmes majeurs de l’œuvre, auxquels la structure narrative complexe et la figuration viennent donner corps. La référence très marquée au genre a priori codé du film de kung-fu, avec ses séquences de combat obligées, pouvait laisser penser que le cinéaste allait juxtaposer une dimension virtuose et une dimension mentale. En réalité, The Grandmaster adésorienté une partie des spectateurs en faisant de la remémoration de son personnage principal le centre de l’œuvre.
Certes, dès le début du film, le premier combat sous la pluie, déployé dans la minutie du montage de plans ultrarapides et la précision chorégraphique, marque les esprits. Mais les scènes de combat suivantes ne feront que s’intellectualiser. Le maître Ip Man, interprété par l’acteur favori du cinéaste, Tony Leung, affronte divers combattants qui n’apparaissent pour la plupart que dans une unique séquence et ne surgissent dans la narration que pour ponctuer les souvenirs du héros. Ce sont bien ces souvenirs qui forment le tissu d’un film profondément mélancolique, parcourant le passé de la Chine de la jeunesse du personnage à la fin de l’ère Qing jusqu’à son exil à Hong Kong, après l’arrivée de Mao Zedong au pouvoir.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre GRAS : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
Média