THE LAST OF US (N. Druckmann et C. Mazin)
Lancée début 2023, la série américaine The Last of Us, diffusée par la chaîne HBO, repose sur une dualité structurelle. Ses créateurs, Craig Mazin et Neil Druckmann, incarnent la rencontre entre la linéarité de l’audiovisuel et l’interactivité du jeu vidéo. Le premier membre de ce duo s’est fait connaître en écrivant les suites de ScaryMovie et Very Bad Trip pour le grand écran et, surtout, en créant et produisant la minisérie télévisée Chernobyl, diffusée sur HBO, en 2019. Le second a participé au développement de la franchise de jeux vidéo d’aventure Uncharted pour la société américaine Naughty Dog, avant de cosigner, toujours avec Naughty Dog, les deux volets du jeu The Last of Us, succès considérable dans les années 2010 (2013, pour le premier, sorti sur PlayStation 3, et 2020, pour le second, sur PlayStation 4).
Du jeu vidéo à la série
Construite à partir du premier opus de cette saga postapocalyptique, la saison d’ouverture de la série du même nom, composée de neuf épisodes de durée variable (allant de 40 minutes à 1 h 20), se focalise sur deux protagonistes réunis par le destin en dépit de leurs différences d’âge, de sexe et de tempérament. En 2003 se déclenche une pandémie dévastatrice due à la mutation d’un champignon parasite, le cordyceps. L’infection fongique qui en résulte provoque des milliards de morts et plonge rapidement le monde dans le chaos. Vingt ans plus tard, Joel Miller (Pedro Pascal), quadragénaire endurci par la perte brutale de sa fille adolescente aux premières heures de la crise, accepte de prendre sous son aile la tempétueuse Ellie (Bella Ramsey), orpheline de quatorze ans qui se prétend immunisée contre le champignon. L’objectif de la mission de Joel est de confier cette « élue » aux Lucioles, milice secrète de résistants, en vue de concevoir un vaccin contre la mycose qui transforme les humains contaminés en zombies. Pour cela, Joel et Ellie n’auront d’autre choix que de braver la zone de quarantaine placée sous gouvernance totalitaire et de traverser les États-Unis d’est en ouest, en se confrontant à la désolation d’un monde ramené à l’état sauvage, au danger permanent de l’infection mortelle et au risque de tomber dans une embuscade tendue par d’autres rescapés.
Pour Mazin et Druckmann, la genèse de la série télévisée s’est ouvertement fondée sur une obsession : échapper à la « malédiction du jeu vidéo », c’est-à-dire à la difficulté de le transposer à l’écran. Depuis la fin des années 1990, rares sont en effet les adaptations de jeux vidéo à avoir connu le succès au cinéma ou à la télévision. Cette fois, la solution s’est déclinée selon trois préceptes fondamentaux : convertir les scènes d’action en tension dramatique, mettre en scène dès que possible les événements du quotidien, et, enfin, ne pas chercher à reproduire de façon systématique la scénographie du jeu vidéo. Sur ce dernier point, la série noue une relation aussi ambivalente que subtile avec cette matrice, entre proximité et prise de distance, mimétisme et improvisation. Déjà fortement influencé par les codes visuels et sonores du cinéma, le jeu dispensait de longues et nombreuses plages de cinématique permettant d’observer les personnages sans être toujours dans l’action. Générées par le même moteur graphique que les passages interactifs, ces séquences préparaient le terrain à la série télévisée, qui ne se prive pas d’en reprendre une multitude de plans à l’identique (mêmes personnages, mêmes angles de caméra, mêmes lumières, etc.). C’est bien la preuve que les écritures pour le jeu vidéo et pour le cinéma sont susceptibles de s’influencer mutuellement jusqu’à parfois entrer en symbiose.
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Écrit par
- Benjamin CAMPION : docteur en études cinématographiques et audiovisuelles, enseignant contractuel à l'université Paul-Valéry-Montpellier III
Classification
Média