THE LOST CITY OF Z (J. Gray)
Pour son sixième film en vingt-deux ans, James Gray n'est pas, cette fois, à l'origine du projet. C'est Brad Pitt qui, intéressé par le rôle principal, avait acheté les droits du livre de David Grann The Lost City of Z: A Tale of Deadly Obsession in the Amazon (2009) et, après avoir vu TwoLovers en 2008, lui avait proposé de l’adapter au cinéma. Quelque peu surpris par le sujet, Gray accepta finalement, après s’être rendu compte qu'il correspondait à sa perception peu optimiste de l'existence : « Je crois qu'il faut toujours se lancer dans des projets qui peuvent potentiellement vous conduire à l'échec ! » (Positif, no 673, mars 2017). Mais le projet traîna en longueur. Brad Pitt, n'étant plus motivé par le rôle, ne le soutint plus que comme producteur. Le film ne fut finalement tourné que huit ans plus tard. Entre-temps, James Gray avait réalisé son brillant The Immigrant (2013).
Un perdant magnifique
The Lost City of Z s’inspire de l'histoire du major Percy Fawcett (Charlie Hunnam) qui, en 1906, à l'invitation de la Royal Geographical Society de Londres, accepte de se rendre en Amérique du Sud pour cartographier précisément les zones frontalières entre le Brésil et la Bolivie, où les deux pays se disputent la culture du caoutchouc. C'est au cours de cette expédition que Fawcett découvre, aux environs de la source du Rio Verde, des restes de poterie, des signes gravés dans la pierre et le bois, et en vient à penser qu'une cité ancienne a pu exister en ces lieux. De retour à Londres, il est la risée de ses pairs quand il évoque son hypothèse : aucun membre de cette honorable institution ne peut concevoir en effet qu'un peuple de « sauvages » ait pu autrefois donner naissance à une véritable civilisation. Mais Fawcett, soutenu par son aide de camp Henry Costin (Robert Pattinson) et l'un de ses pairs, James Murray (Angus Macfadyen), ignore les quolibets. Il n’aura de cesse de retourner en Amazonie pour prouver l'existence de cette cité perdue, qu'il nomme « Z ».
L'adaptation de James Gray réduit à trois les huit expéditions de Fawcett et met soigneusement en valeur le déchirement que l'explorateur éprouve en quittant sa famille pour de longues périodes. Ces scènes montrent avec beaucoup de délicatesse les tensions qui se créent alors entre Fawcett et son épouse (Sienna Miller), celle-ci finissant toujours par céder, contrairement à leur fils aîné, Jack (Tom Holland), qui, plus tard, reviendra sur son violent désaccord avec son père et se joindra à lui lors de l'ultime expédition de 1925. L’émotion que dégagent ces scènes doit beaucoup aux éclairages qui rappellent ceux d’un Rembrandt. Un même doigté se retrouve dans la manière dont Gray dépeint avec minutie les conditions de survie dans la jungle amazonienne. Il n'omet pas, en outre, de relater l'engagement patriotique de Fawcett lors de la Première Guerre mondiale et la bravoure de sa conduite pendant la bataille de la Somme, qui lui valut d’être gravement blessé aux yeux. La narration de James Gray est époustouflante à la fois de réalisme et de lyrisme.
La reconstitution de la mentalité anglaise post-victorienne est digne d'un Luchino Visconti et la représentation de la faune et de la flore sud-américaines tout aussi frappante que celle de Werner Herzog dans Aguirre, la colère de Dieu (1972) ou Fitzcarraldo (1982). Mais ce qui frappe le plus dans ce récit d'aventures faussement classique, c'est la manière dont James Gray reste fidèle à la vision complexe des relations humaines qui caractérise tous ses films.
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Écrit par
- Michel CIEUTAT : enseignant-chercheur retraité de l'université de Strasbourg
Classification
Média